A quoi ressemblera l’Union européenne d’ici à 2025? Le monde sera-t-il économiquement plus fort ou moins fort dans quinze ans? A quels défis démographiques, économiques et sociaux la Suisse devra-t-elle faire face ces deux prochaines décennies? Pour tenter d’esquisser de quoi l’avenir de la Suisse sera fait, l’état-major de prospective de l’administration fédérale, rattaché à la Chancellerie, a présenté jeudi un rapport intitulé «Perspectives 2025», qui a été élaboré par divers services fédéraux et dans lequel la Confédération a investi 240 000 francs.

Disons-le d’entrée: très théorique, ce rapport ignore les événements récents, comme la crise nord-africaine ou la catastrophe de Fukushima, pour se concentrer sur les grandes tendances qui pourraient se dessiner ces quinze prochaines années. C’est sans doute une lacune dans la mesure où le rapport, s’il esquisse bien la question de l’approvisionnement énergétique futur, passe sous silence celle de l’abandon du nucléaire. Il n’évoque pas non plus l’évolution du système politique suisse. Pourtant, la polarisation croissante et l’atomisation du centre droit pourraient rendre les réformes plus compliquées à l’avenir.

Ce rapport pose néanmoins six tendances «solidement fondées» sur lesquelles il échafaude quatre scénarios, tous influencés par l’évolution du contexte européen et international. Première tendance: le cadre extérieur est multipolaire et l’intégration européenne progresse. Deuxième tendance: la technologisation se poursuit. Troisième tendance: le changement climatique suit son cours. Quatrième tendance: la population croît, la Suisse devrait avoir 8,6 millions d’habitants en 2025 et la migration ne régressera pas. Cinquième tendance: la globalisation et la concurrence s’intensifient. Sixième tendance: la capacité d’intervention de l’Etat se réduit. Sur cette base, les prévisionnistes fédéraux ont esquissé quatre scénarios.

Le monde et l’UE sont en pleine croissance

L’Union européenne poursuit sa progression mais le reste du monde est aussi en pleine croissance. Dans ce scénario, la Suisse serait membre de l’EEE à une date fixée autour de 2019. Confrontée au regroupement des forces sur le plan mondial et européen, la Suisse doit veiller à ne pas rester isolée. L’accès aux marchés l’oblige à franchir un pas en direction de l’Europe, mais ses hautes écoles restent à la pointe et l’immigration reste forte. Pour faire face aux besoins accrus de l’économie, l’âge de la retraite est porté à 70 ans et la mobilité exige de nouveaux investissements dans les infrastructures, alors que l’occupation du sol s’étend. Ce scénario implique aussi des risques d’accroissement de la criminalité économique et de nouvelles pandémies.

Le monde est en plein essor mais l’UE stagne

Dans ce cas de figure, la construction européenne marque le pas et ce sont l’Asie et la zone Pacifique qui sont en plein essor. La Suisse reste à l’écart de l’Union économique. Elle doit donc se battre pour demeurer compétitive et renforce sa collaboration économique avec l’Asie et le secteur du Pacifique. A l’intérieur du pays, le fossé se creuse entre le développement des villes et celui des régions périphériques, alors que la population vieillit et que le poids des assurances sociales s’alourdit.

Ni le monde ni l’UE ne sont en mode progression

Alors que la croissance ralentit dans le monde comme en Europe, la Suisse s’appuie sur ses valeurs: liberté, indépendance, neutralité. Seuls les traités jugés indispensables sont conclus. La sécurité intérieure et extérieure devient primordiale. La situation économique est tendue. Les exportations sont difficiles, le système de santé coûte si cher que les soins à domicile sont de plus en plus fréquents. Les prix des matières premières et de l’énergie s’inscrivent à la hausse et la protection de l’environnement devient secondaire. Dans le domaine des infrastructures, l’isolement est difficile à gérer.

Le monde stagne mais l’UE se développe

La Suisse se rapproche de l’UE et est prête à y adhérer. Elle a négocié un droit de codécision, mais l’option de l’adhésion est difficile à vendre auprès des cantons, qui craignent de perdre une partie de leur pouvoir. L’économie suisse tire globalement profit de cette nouvelle approche, mais les banques et la place financière sont soumises aux règles de l’UE. Le secteur des énergies renouvelables s’est considérablement développé et a créé de nouveaux emplois. Néanmoins, l’approvisionnement en électricité est devenu un problème continental. La Suisse, rattachée aux infrastructures européennes, n’y échappe pas.

A quoi ce rapport va-t-il servir? D’une part, ce document, qui offre une approche transversale et non sectorielle, servira de base au programme de législature 2011-2015, explique la chancelière de la Confédération, Corina Casanova. Il doit permettre de préparer certaines décisions stratégiques à prendre en politique internationale, sociale ou économique. D’autre part, c’est un document qui devrait aussi permettre au Conseil fédéral de mieux voir les interactions entre les départements et les offices dans la perspective d’une éventuelle réorganisation de ceux-ci. Mais cette fameuse réorganisation, demandée par le parlement, reste l’Arlésienne de la politique suisse.