On pouvait aller pour plusieurs raisons, jeudi soir à Zurich, à la fête du lancement de Cashual. Pour observer, d'abord, que le dernier chic des Zurichoises consiste à porter des couettes latérales et le soutien-gorge directement sous un veston de mec bien ouvert.

On pouvait aussi se griser de croiser dans la foule tant de présentateurs TV, de rédacteurs en chef et d'éditeurs, «Proeminenten» comme on dit du petit monde des médias alémaniques.

Mais surtout, les ethnologues n'ont pas manqué d'observer la sophistication croissante de cette fin de siècle. Car l'immense usine du Rohstofflager, dans la zone industrielle du quartier 5, avait pris des allures de palais oriental. Ah, ce contraste new-yorkisant entre les murs de briques brutes et la nourriture si raffinée, servie dans des paniers chinois! Au mur défilaient les images d'une décadence joyeuse et américaine, entrecoupées de plans des invités saisis par des cameramen en goguette. Zurich de la salle regardait Zurich à l'écran, et la trouvait très à son goût. Un sujet, pourtant, était sur toutes les lèvres. Fallait-il vraiment que Cashual, dans son premier numéro, publie le ragot encore tabou de la relation entre Roger de Weck, ancien rédacteur en chef du Tages-Anzeiger nommé à la tête de Die Zeit, et l'écrivain Milena Moser? Le soir même, sur TeleZüri, Roger Schawinski a tellement joué les prudes effarouchées qu'il en est presque venu aux mains avec Markus Gisler. Lors de la fête, les deux camps formés par cet affrontement ont attendu les premières danses pour tomber d'accord: Cashual aurait dû mettre la photo de Milena en grand, pas celle de Roger de Weck.

Serge Michel, Zurich