Surprise et consternation sont les sentiments qui dominent au sein de la TSR, suite à l'annonce de la reconduction de Guillaume Chenevière à la direction (lire Le Temps du 20 juin). Quatre jours ont passé et les commentaires recueillis hier dans la tour se voulaient plus sereins. Mais toutes les personnes interrogées reconnaissent l'existence d'un malaise, voire d'une incompréhension: le Directoire a pris une non décision en désignant l'actuel directeur, contre son gré, plutôt que de choisir un des candidats déclarés: Raymond Vouillamoz, Béatrice Barton ou Jean-Claude Chanel.
«Nous nous attendions à une décision, note un producteur de magazine, même si nous savions qu'elle était difficile à prendre. Il est regrettable que malgré des réunions continuelles, le Directoire n'ait pas eu le courage de faire un choix.» Le courage, il en fallait sans doute: si l'inimitié et le désaccord concernant l'organisation du travail entre les deux favoris, Vouillamoz et Chanel, étaient connue, la rumeur au sein de la tour voulait qu'en cas de nomination de Jean-Claude Chanel, Raymond Vouillamoz et le chef de l'information Philippe Mottaz auraient démissionné dans les vingt-quatre heures. Le Directoire voulait-il prendre ce risque? D'un autre côté, il semble que ce dernier n'avait pas une haute image de Raymond Vouillamoz. Le syndicat avait d'ailleurs fait part de ses griefs à l'instance de nomination: l'actuel directeur des programmes serait un homme au dialogue difficile et hostile au syndicat. «La nomination de l'un ou de l'autre aurait conduit à une crise interne», relèvent les différents interlocuteurs.
Si «sur le plan de l'image, c'est raté», certains apprécient la continuité représentée par Chenevière, qui «a permis d'éviter des conflits». «Le directeur pourra poursuivre les réformes qu'il a entamées dans la maison – préconisée par le consultant Arthur Andersen – ce qui n'aurait peut-être pas été le cas si Chanel avait été désigné», relève ce producteur. Et puis, le statu quo a évité de rechercher un remplaçant à l'un des deux vice-directeurs, «difficilement remplaçables», pour un assistant-réalisateur.
Un statu quo rassurant donc pour les uns, mais inquiétant pour d'autres: «Chenevière ne brille pas par sa capacité à prendre des décisions, constate un journaliste. Sur les points litigieux contenus dans les réformes, il a préféré laisser son successeur faire des choix. Que va-t-il se passer maintenant qu'il s'est succédé à lui-même? Il ne peut proroger les décisions importantes pendant trois ans. Alors, c'est l'incertitude. Mais on devrait en savoir plus, cet automne sans doute, avec la mise en place du nouvel organigramme de la direction.»
Restera alors au moins une conséquence pénible de la non décision du Directoire: «La guerre de succession est immédiatement relancée, constate Alec Feuz. Si, par hypothèse, Philippe Mottaz et Béatrice Barton se présentaient à la succession de Chenevière dans trois ans, le problème serait identique à celui qu'a connu la TSR la semaine dernière. Le conflit serait encore plus violent.» Mais cette fois, le Directoire ne pourra plus se permettre de ne pas trancher.