Le moins que l’on puisse dire est que la votation de dimanche prochain en Suisse, qui pose tout le problème de la place du pays au cœur de l’Europe, ne passionne pas, pour l’instant, les médias étrangers. Cela risque de changer si c’est «oui», mais après que l’ex-journaliste Jean-Marie Cavada, aujourd’hui député européen, alors qu’il était invité du Journal du matin sur RTS-La Première, eut estimé un peu naïvement à «titre personnel» qu’un «oui» le 9 février au texte de l’UDC, ne couperait pas irrémédiablement les liens avec Bruxelles, on trouve néanmoins, ici ou là, quelques contributions intéressantes.

Prenons par exemple cette «Huître helvète» qui «se referme», signée Jean-Paul Bourgès dans son blog de Mediapart: «Des extrémistes de droite veulent limiter l’arrivée d’étrangers en Suisse, écrit-il. Il est vrai que la caractéristique de la Suisse, c’est que les principaux contingents d’étrangers arrivent avec leur magot et repartent avec un gros Davidoff au bec»… Mais ça, c’est un autre problème. Enfin… proche, parce qu’«en Suisse, ceux qui savent compter sont relativement plus nombreux qu’ailleurs et les entrepreneurs protestent contre tout frein à l’immigration en demandant qu’on ne se prive pas» d’une «main-d’œuvre moins chère, souple, craintive et donc obéissante.»

La solidarité des polices

Alors, à propos de cette fermeture des frontières potentielle, le blogueur se marre, «eh oui, n’ayant pas de cœur», il «ose en rire… sauf que des pays de l’Union européenne, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne prennent des dispositions similaires, et là je ris soudain beaucoup moins. A ce rythme, d’ici peu, la seule solidarité qui restera bientôt de tout l’édifice de la deuxième moitié du XXe siècle, ça sera celle des polices.» Les métaphores animalières marines ont d’ailleurs la cote semble-t-il, puisqu’un blog du Monde prétend, lui, que le 9 février, une acceptation de l’initiative de l’UDC aurait «le pouvoir de faire marcher la société comme une écrevisse… à reculons».

France 3 Alsace, elle, tout en ayant bien compris que si les Suisses «décident de contrôler l’immigration, ce choix ne restera pas sans conséquences sur les relations de la Confédération avec l’Union européenne», donne abondamment la parole à Christoph Blocher, qui lui déclare tout de go, avec beaucoup de pédagogie: «La Suisse est un petit pays, avec des montagnes, beaucoup de forêts, nous ne pouvons pas accueillir tout le monde sans fixer de limite! Les infrastructures saturent déjà, les hôpitaux, les routes, alors non, il faut à nouveau contrôler l’immigration.»

Et d’ajouter: «Les salaires suisses attirent du monde, notre niveau de vie fait envie… pour le moment, tout va bien, mais en cas de récession, comment ferons-nous? Il faudra bien aussi s’occuper de toutes ces personnes étrangères qui vivent ici, et qui demanderont l’aide de l’Etat suisse!»

Le moteur et son carburant

Un autre blog de Mediapart, «Blue Ocean, Sweet Blue Ocean Strategy», relève qu’il «est difficile de prendre parti de manière éclairée étant donné que les initiants n’ont pas donné de précisions sur les critères servant à établir les quotas futurs». Pour éclairer le débat, il prône donc l’analogie: comparer la situation «à celle d’un moteur et de son réservoir à carburant. En effet, les immigrants occupent une place importante dans l’économie suisse, car ils occupent des emplois que le marché suisse ne peut pas satisfaire. A ce titre, l’immigration est le carburant dont le moteur suisse a besoin pour fonctionner correctement.»

Alors, jouant le rôle de l’idiot utile, «l’Union démocratique du centre a posé une question embarrassante mais salutaire: la Suisse peut-elle durablement supporter le rythme de l’immigration?» Et elle répond: «Un plein par jour» pour notre fameux moteur, «c’est trop!» Elle propose «de se contenter d’un plein tous les deux jours. […] Nul besoin d’être grand clerc en mécanique pour comprendre qu’un tel régime va fatiguer le moteur, qu’il va devenir plus fragile et qu’il risque même de tomber en panne à plus ou moins brève échéance. Par conséquent, l’Union démocratique du centre a donné une réponse qui transforme son rôle d’idiot utile en idiot nuisible, voire même en idiot toxique pour la prospérité suisse!»