«Ambitieux journal francophone d'Europe centrale», la première édition de Le Paon est arrivée hier au domicile de ses abonnés. Première, certes, mais dernière aussi. Concue par l'équipe lausannoise de La Distinction, à l'origine du Prix Champignac et du gorillage en règle de quotidiens anciens ou nouveaux, Le Paon est une parodie du Temps. La caricature a ainsi précédé son modèle d'un jour. Il est vrai que l'information circule de plus en plus vite.

Couleur, maquette, titrage, dessin de «Pachatte», l'éditorial de «Ric Hosli», tout y est. Ou y serait si Le Paon avait davantage que quatre pages, un format ad hoc, contenait une seule vraie information et ne comportait pas une regrettable coquille dans son sommaire: Le Temps, le vrai, le seul, n'a pas de rubrique «Satiété».

En Une, un scoop. Un candidat malheureux au Conseil fédéral fait recours auprès de la Chancellerie contre l'élection d'un concurrent «alpicole». Titre de l'information: «Pour son avenir, le Petitpierre sème des cailloux blancs.» En dessous, intitulé «La presse romande y perdra-t-elle des plumes?», le dessin d'un paon agrippé à un stylo. Suivent un article de Jeannot Lapin sur un petit pays méconnu, le Tumendirastan, et une ode à D.S. Miéville, signée par le BBLL, le Bloc-Bolchévique-Léniniste Lausannois. Georges-André Vachallaz, syndic de Mutrux, 327 habitants, annonce par ailleurs qu'il vient de fusionner la ratte, la charlotte, la raclette et la bintje dans un nouveau produit, la Patate, l'aliment de ceux qui ne veulent pas être pomme.

Une nouvelle mérite d'être reproduite in extenso: «On vient de retrouver les neuf chefs d'îlot qui avaient disparu lors d'un exercice de la Protection Civile, à Chavannes. Emmurés vivants en 1973 dans l'abri ventilé d'un garage Simca, ils ont survécu en se nourrissant d'aliment de survie en boîte. Pour tenir le coup, ils clouaient des lits les jours pairs et les déclouaient les jours impairs.»

Bref, chapeau bas devant la performance. Et une question troublante. Dans Le Paon, l'éditorial flanque le côté gauche de la page 2. Voici deux jours, bien après la conception du journal parodique lausannois, nous avons adopté le même emplacement pour nos propres éditoriaux.

Hasard? Bien sûr que non. Nous avons eu sous les yeux un numéro zéro du Paon et nous nous sommes empressés de piller sa bonne idée.