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150 ans des Conventions de Genève. Et la Palestine?

La Suisse a raison de se battre pour l’application des Conventions de Genève. La récente prise de parole de Messieurs Burkhalter et Maurer dans ce sens, publiée en Palestine, oblige notre pays à davantage s’impliquer pour traduire ces paroles en actes, juge le conseiller national Carlo Sommaruga

150 ans des Conventions de Genève. Et la Palestine?

Au matin du 22 août 2014, la population, la société civile et les acteurs politiques de Palestine pouvaient lire, en arabe, dans les deux grands quotidiens palestiniens, une tribune de M. Didier Burkhalter, président de la Confédération, et M. Peter Maurer, président du CICR, sur l’origine, l’importance et la portée du droit humanitaire international. Publié dans les principaux titres de la presse mondiale à l’occasion du 150e anniversaire des Conventions de Genève, ce solennel message leur est parvenu alors que ces Conventions de Genève sont bafouées quotidiennement sous leurs yeux. Depuis 1967, ils subissent une violation permanente du droit humanitaire par l’occupant israélien, notamment par la création et le développement des colonies de peuplement. Il y a dix ans encore, dans un avis consultatif sur le mur de séparation, la Cour internationale de justice de La Haye rappelait, mais sans aucun effet, que chaque Etat a l’obligation non seulement morale mais aussi juridique de tout mettre en œuvre pour amener un Etat tiers à respecter les Conventions de Genève. Au moment même où cette tribune paraissait en Palestine, les habitantes et habitants de Gaza subissaient une nouvelle et sanglante agression israélienne causant plus de 2000 morts, en grande majorité des civils dont des centaines d’enfants. Quant au CICR, il faisait face à la colère d’une population gazaouie prisonnière d’un sévère blocus et profondément frustrée de l’impuissance du CICR et de l’UNRWA à garantir sa sécurité face aux bombardements indiscriminés de l’armée israélienne.

Publier une telle tribune dans la presse palestinienne a été un acte courageux. Mais cela implique aussi une prise de responsabilité dans le contexte de grande souffrance du peuple palestinien et de son profond désarroi face à l’impunité totale dont jouit Israël pour ces violations graves et permanentes du droit humanitaire international. Cette tribune engage publiquement la Suisse, Etat dépositaire des Conventions de Genève, et le CICR, organisation directement issue des Conventions de Genève, à tout faire pour que le droit humanitaire protège réellement les enfants, les femmes et les hommes de Palestine dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Cette déclaration fait donc naître pour le peuple palestinien et ses représentants politiques l’espoir de voir enfin le droit humanitaire international s’appliquer et l’arbitraire de l’occupant cesser.

L’intervention de MM. Didier Burkhalter et Peter Maurer en Palestine tombe à point nommé. Depuis le début de l’agression israélienne, l’Etat palestinien et la Conférence des Etats arabes, soutenus par nombre d’Etats dont le modéré Koweït, demandent à la Suisse de réunir une conférence des parties contractantes des Conventions de Genève pour mettre en œuvre leur article 1 stipulant que «les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances».

Bien qu’au soulagement de tous un cessez-le-feu illimité ait été conclu très récemment entre les Palestiniens et les Israéliens et que l’on puisse espérer une réelle fin des hostilités armées à Gaza, la nécessité d’une telle conférence des parties aux Conventions de Genève reste totalement d’actualité. En effet, au-delà du dévastateur conflit armé, de multiples, ravageuses et meurtrières violations des Conventions de Genève se perpétuent en Cisjordanie. Il s’agit d’arrestations arbitraires de jeunes, de représentants de la société civile ou encore d’élus du parlement palestinien, dont 30 sont retenus en détention administrative sans jugement en Israël. Il s’agit de la destruction de maisons palestiniennes, quand ce n’est pas de villages entiers. Il s’agit encore de l’extension des colonies de peuplement ou de la lente et inexorable annexion de ­Jérusalem-Est.

La Suisse et sa diplomatie doivent s’engager de manière déterminée pour que cette conférence ait effectivement lieu, et cela indépendamment de l’opposition d’Israël et de sa puissance protectrice. Il en va ici d’abord de la protection de la population civile en Palestine. Il en va aussi de notre crédibilité dans cette région du monde. Mais il en va plus largement de l’avenir même du droit international humanitaire. Comment croire que les Conventions de Genève seront à l’avenir et ailleurs respectées par d’autres belligérants si elles sont méprisées en toute impunité dans un conflit vieux de près de cinquante ans?

N’oublions pas que chaque fois que le droit international humanitaire est violé sans réaction, il ressort globalement affaibli. La Suisse doit agir maintenant tant pour protéger enfin la population palestinienne en danger que pour éviter cette dramatique érosion de l’autorité du droit humanitaire international.

Conseiller national (PS/GE)

Chaque fois que le droit international humanitaire est violé sans réaction, il ressort globalement affaibli