En finir avec la violence faite aux femmes

«Une génération sans sida est possible», a lâché Didier Burkhalter en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre à New York. Le président de la Confédération a même évoqué 2030, date butoir fixée par les Nations unies dans le cadre des programmes de développement durable et des nouveaux Objectifs du millénaire. Cette annonce a été reprise dans le monde entier. Comme souvent, cependant, l’information est demeurée partielle. Dans son discours, Didier Burkhalter a évoqué l’éradication du sida à l’horizon 2030, et il a ajouté: «La faille cependant reste la contamination massive des femmes, plus spécifiquement dans les zones de conflit.» Avant de conclure: «Le sida reste la principale cause de mortalité dans le monde chez les jeunes femmes. Chaque minute, une femme contracte le VIH dans le monde.»

Ce discours résonne tout particulièrement en ce 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ces exactions journalières, insoutenables, promues par des bandes de plus en plus incontrôlables, sont un fléau mondial qui déséquilibre l’ensemble des nations. Dans ce contexte, les propos tenus par le président Burkhalter ne font pas encore office de lumière dans la nuit. Au moins fixent-ils un cap. Dans un monde où assassinats, viols, rapts, prostitution, enlèvements, traites, violences domestiques font davantage de victimes que le cancer, la malaria, les accidents de la circulation, il est grand temps de dégager un horizon. 2030, un rêve? Une vision, dirions-nous plutôt.

2030, c’est demain. Le temps est donc compté. Les Etats doivent sans attendre «fixer des objectifs dans les domaines de l’éducation, de l’égalité des sexes, de l’alimentation et de la sécurité sociale», a préconisé Didier Burkhalter. Avec son discours, le président a fait de la Suisse une nation engagée dans les nouveaux Objectifs du millénaire. Et ceux-ci sont colossaux. La prévention, l’éducation, l’information, les campagnes à grande échelle, des programmes adaptés… Chaque pays est interpellé. Tout doit être mis en place au niveau politique, économique, institutionnel et associatif pour que cette génération sans violences, sans sida puisse advenir.

Année après année, à l’occasion des campagnes nationales Ruban blanc, nous le répétons: dans cette Suisse où une femme sur cinq est toujours victime de violence physique et sexuelle, son élimination est l’affaire de tous. Celle des hommes comme celle des femmes. Cette année encore, la Déclaration des ambassadeurs Ruban blanc Suisse «Pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes – un horizon pour 2030» a permis de constituer un cercle d’une quarantaine d’ambassadeurs prêts «à tout mettre en œuvre pour que la Suisse, patrie des droits humains et des Conventions de Genève, devienne un modèle». Des hommes politiques et d’éminents représentants de la société civile ont signé la déclaration et invité les Suisses à arborer, ce 25 novembre, le petit ruban blanc en signe d’engagement.

Il faut aller encore plus loin et s’attaquer à ces violences à la racine: repérer, analyser, disséquer les comportements afin de prévenir. Parce qu’elle est un Etat de droit reconnu, un exemple de démocratie, la Suisse doit innover. A l’école en améliorant la prévention et la communication non violente auprès des enfants et des jeunes; dans les entreprises en bannissant les comportements agressifs au travail.

A New York, Didier Burkhalter aurait pu lancer son discours par le fameux «I have a dream», tant son Objectif du millénaire est ambitieux. Une génération sans sida, sans violences? Des hommes et des femmes libres à l’horizon 2030? Ce rêve vaut qu’on s’y attelle toute affaire cessante.

Une femme sur cinqen Suisse est victimede violence. Son éradicationest l’affaire de tous

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