Dans cette foulée, la Suisse résiste mais peut faire mieux. Au cours des dernières années par exemple, le volume de ses échanges avec l’Afrique n’a que très peu évolué. De 2013 à 2021, il est passé de 15,7 à 18,2 milliards de francs, soit respectivement 2,5 à 2,8% du commerce global suisse. Cette performance est cependant fortement concentrée linguistiquement, puisque, en 2021 par exemple, 81% des échanges commerciaux (en excluant l’or) entre la Suisse et l’Afrique étaient réalisés avec sept partenaires seulement – l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Maroc, la Libye, la Tunisie et l’Algérie – pays dont la langue officielle est l’arabe ou l’anglais, des langues non officielles en Suisse. Une possibilité offerte à la Suisse pour dynamiser ses échanges commerciaux avec l’Afrique est pourtant de tirer profit des avantages de la langue commune qu’elle partage avec des millions d’Africains.
En plus des pays comme l’Algérie, qui enseigne le français à l’école comme langue étrangère, ou le Maroc qui considère le français comme facteur de réussite sociale, plusieurs pays d’Afrique partagent le français comme langue officielle avec la Suisse. Ce continent compte donc plus de 140 millions de locuteurs quotidiens du français – c’est environ 60% de locuteurs du français dans le monde. Au-delà de la confiance mutuelle que l’utilisation de cette langue commune peut induire, elle pourrait drastiquement réduire les coûts de transaction associés à l’échange commercial, dans la mesure où les marchandises, de plus en plus sophistiquées, exigent davantage d’informations et de communication entre acheteurs et vendeurs. La littérature économique montre que, toutes choses égales par ailleurs, le partage d’une langue commune améliore les échanges bilatéraux. Les estimations du CEPII sont claires pour le cas de la France par exemple. Chaque point de pourcentage en plus de locuteurs du français chez les partenaires commerciaux de la France augmenterait, toutes choses égales par ailleurs, les échanges bilatéraux du pays avec ceux-ci de 49% en moyenne.
Des relais importants
Par ailleurs, la facilitation des flux migratoires venant de l’Afrique pourrait constituer une niche additionnelle que la Suisse gagnerait à explorer pour doper ses échanges commerciaux avec ce continent, puisqu’elle permet d’accroître la taille des diasporas africaines en Suisse. Elle peut transiter par l’élargissement de la mobilité estudiantine en faveur des ressortissants des Etats tiers d’Afrique, d’autant plus que les étudiants africains, les plus mobiles au monde, sont encore timidement accueillis dans les universités et hautes écoles suisses. L’Afrique subsaharienne (ASS) par exemple représente à peine 2% de l’ensemble des étudiants mobiles en Suisse contre plus de 25% en France. Si les liens coloniaux avec l’Afrique peuvent expliquer la forte présence des étudiants africains en France, un pays comme la Finlande – sans précédent colonial – accueille déjàun peu plus de 5% de la mobilité estudiantine internationale venant de l’ASS.
En limitant cette forme de migration venue d’Afrique, la Suisse sacrifie les gains dérivés d’échanges et de transferts qui pourraient découler d’une plus grande ouverture en matière d’accueil d’étudiants mobiles africains. La littérature économique sur les migrations enseigne que la présence d’importantes diasporas dans un pays est corrélée à une augmentation du commerce bilatéral entre le pays d’accueil des migrants et leur pays d’origine. Une récente étude a même montré qu’une hausse de 1% d’immigrés amène les entreprises de la zone d’accueil à exporter 6 à 10% de services supplémentaires vers le pays d’origine de ces immigrés. Il pourrait donc être bénéfique pour la Suisse d’encourager la migration estudiantine africaine puisque ces étudiants pourraient, lorsqu’ils reviennent dans leur pays, constituer des relais importants de la Suisse et renforcer sa capacité à développer son réseau d’affaires sur le continent.
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