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Affaires intérieures. Migrations

Un excellent connaisseur de la Genève internationale m'a signalé un

Un excellent connaisseur de la Genève internationale m'a signalé un phénomène étrange et peut-être même préoccupant. Du 14 septembre 2003 au 14 mars 2004, il a croisé sur le territoire cantonal dix-huit véhicules immatriculés en Appenzell Rhodes-Intérieures (AI). Encore ne s'agit-il que de ceux dont il a relevé les numéros de plaques, la marque, la couleur et l'heure de la rencontre. Il faut y ajouter tous ceux qu'il a vus avant, dont les passages répétés à Genève l'ont étonné sans encore troubler son entendement.

Mon observateur scrupuleux accompagne son constat d'une remarque complémentaire, utile aux besoins de l'analyse: pendant le même temps, il n'a vu aucune voiture immatriculée en Appenzell Rhodes-Extérieures (AR), en Thurgovie, à Glaris, Uri, Unterwald, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne. Il pense avoir aperçu un ou deux véhicules immatriculés en Argovie, dans les Grisons, à Schaffhouse ou à Zoug. Ceux de Zurich et du Tessin ne dépassent pas les quatre. Que se passe-t-il entre Appenzell et Genève?

Avant de se tourner vers moi, documents à l'appui, mon ami s'est adressé à la mission d'Appenzell Rhodes-Intérieures auprès des Nations unies pour savoir si quelque mouvement d'émigration était signalé et, si oui, quelles en pouvaient être les causes. En raison des fêtes de Pâques, le représentant était incommunicado, réfugié dans son chalet sur le Säntis. Ce détail était de nature à accroître les soupçons.

La consultation des dossiers politiques sur Appenzell n'a pas fourni d'explication convaincante au premier abord. Christoph Blocher y est très populaire, il s'apprête à assister à la prochaine Landsgemeinde, l'une des dernières encore en vigueur en Suisse. Les organisations non gouvernementales n'ont pas enregistré d'alerte sur une violation massive des droits de l'homme, qui inciterait des habitants à s'enfuir. Une hypothèse a retenu brièvement notre attention: l'absence totale d'autoroute dans ce canton alpestre recouvert surtout d'herbe et de forêts aurait pu pousser les propriétaires de voiture à venir user leurs pneus à Genève, paradis de l'automobile. Mais, vérification faite, la vignette obligatoire les en a dissuadés.

Nous allions nous adresser à l'Organisation mondiale des migrations lorsque le hasard nous a rendu le service pour lequel on le vénère: un quidam nous a expliqué qu'il s'agissait de véhicules de location. Appenzell Rhodes-Intérieures casse les prix de l'émolument d'enregistrement des plaques et des taxes pour les agences de location domiciliées dans le canton. Il s'agit donc bien d'une migration, mais fiscale. Et bien d'un paradis, mais de l'impôt.

Du point de vue légal, c'est «pointu», nous dit un juriste. Du point de vue fédéraliste, c'est vulgaire. Du point politique, c'est vache.