Le projet de décret vaudois d’aide aux médias, publié le 16 janvier 2010, va dans le bon sens. Le gouvernement vaudois fait des constats judicieux: «le droit à l’information est fragilisé», «[…] la production d’informations de proximité, portant sur des événements et des faits de portée locale s’est considérablement réduite» (p. 28 du rapport). Préoccupé par la crise des médias, le Conseil d’Etat «estime fondé le principe d’une aide publique […]» (communiqué du 16 janvier 2020). Après la disparition de L’Hebdo et de la formule imprimée du Matin, le Conseil d’Etat s’était déjà engagé pour défendre une presse forte en proposant une médiation entre Tamedia, d’une part, et Impressum et Syndicom et les rédactions de Tamedia, d’autre part, en juillet 2018. Vaud est pionnier dans l’adoption de telles mesures d’aide et c’est à saluer.

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Le Conseil d’Etat propose de créer une plateforme d’abonnement et d’offrir aux jeunes qui atteignent l’âge de la majorité un abonnement aux médias vaudois à un tarif hautement préférentiel. Des écoles auront un accès à des «packs médias» avec plusieurs abonnements à des titres vaudois, régionaux et locaux. On pourrait aussi soutenir des cours donnés par des journalistes pour distinguer les fake news des nouvelles écrites selon la déontologie journalistique. La section valaisanne d’Impressum a déjà lancé un projet dans ce sens avec l’administration valaisanne.

Souscrire à la CCT de la branche

A côté de ces mesures destinées à familiariser les jeunes à des offres payantes, le projet de décret prévoit d’augmenter les dépenses publicitaires «afin d’injecter rapidement des moyens aux effets directs et instantanés dans les différents médias vaudois». Parmi d’autres mesures, nous avions proposé cette idée dans une résolution de notre Assemblée des délégués de mars 2019. Il est par ailleurs question dans le projet de décret d’aider Keystone-ATS dans sa mission de service public et de soutenir la formation par la prise en charge des frais d’écolage des journalistes stagiaires. Ces pas vont dans la bonne direction. La dotation suffisante en journalistes de la seule agence de presse nationale et la formation, dont Impressum se préoccupe de manière paritaire avec les éditeurs, sont des ingrédients nécessaires pour un journalisme de qualité.

Les éditeurs qui bénéficieraient d’une aide devraient aussi souscrire à la CCT de la branche

On pourrait prévoir aussi la défiscalisation des abonnements aux médias d’information payants; ce serait une incitation concrète pour encourager le public à s’abonner aux journaux. De manière générale, l’aide devrait aller à des rédactions qui respectent la déontologie du métier, la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes et qui emploient des journalistes inscrits au Registre professionnel (RP). Les éditeurs qui bénéficieraient d’une aide devraient aussi souscrire à la CCT de la branche, ce qui garantirait de bonnes conditions de travail aux journalistes.

«Pacte de l’enquête»

On pourrait aussi proposer un complément au projet de décret: des associations de défense des journalistes dont Media forti, Médias pour tous, Impressum et le think tank Nouvelle Presse ont demandé en décembre 2019 à l’Office fédéral de la communication (Ofcom) de tenir compte dans la révision de la loi fédérale sur l’aide aux médias du projet «Pacte de l’enquête». Ce projet d’aide contient une dimension d’intérêt public, de formation et d’émulation. Il a pour but de stimuler les projets d’enquête journalistique, de favoriser le développement et de soutenir la recherche d’informations. Une phase test confirmerait les besoins d’un tel projet. Ainsi le projet d’arrêté pourrait prévoir une formule comme: «Soutien d’une ou plusieurs institutions qui encouragent le journalisme de qualité en garantissant un processus indépendant de sélection et de validation de projets d’enquêtes».

Il est à souhaiter que le projet vaudois d’aide aux médias soit suivi par d’autres efforts dans les autres cantons, notamment en Suisse romande. Il y a un seul bémol, mais de poids: l’argent. Les sommes mises à disposition – 6,2 millions de francs sur cinq ans – restent hélas insuffisantes pour assurer une offre d’information de qualité pour un canton aussi diversifié que celui de Vaud. Avec le «Pacte de l’enquête», il faudrait au moins doubler la somme prévue afin que les mesures atteignent leur but. Nous espérons que le Grand Conseil nous entendra.

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