Publicité

Aider les jeunes djihadistes en herbe à revenir sur terre

Olivier Guitta, directeur de recherche au sein du think tank britannique The Henry Jackson Society, estime que les Occidentaux devraient prendre des mesures plus musclées pour endiguer le recrutement djihadiste en Syrie

Aider les jeunes djihadistes en herbe à revenir sur terre

Scotland Yard a lancé une campagne nationale pour encourager les femmes à lutter contre le départ de leurs proches pour le djihad en Syrie. Cette annonce est tombée un jour après celle du gouvernement français lançant une série de mesures pour combattre le même phénomène. Les gouvernements occidentaux commencent à réaliser qu’ils ne peuvent pas se permettre de rester inactifs face à cette vague de recrutement.

Des responsables britanniques, français, allemands et belges se sont rencontrés à Londres le 30 avril pour discuter des stratégies à mettre en place pour combattre cet inquiétant phénomène. Bien que ces mesures arrivent très tard, elles seront néanmoins utiles si elles peuvent sauver ne serait-ce qu’une vie.

Certaines des mesures que les Français ont mises au point pourraient être facilement imitées au Royaume-Uni, tel qu’un numéro vert disponible pour les familles où elles peuvent s’adresser à des psychologues ou à des aides sociales; une autorisation de voyage signée par les parents pour les déplacements internationaux des enfants mineurs; le recensement des sites djihadistes à déconnecter.

L’expert terroriste de Five Dimensions, Aimen Dean, qui avait suggéré la plupart des mesures prises par les autorités françaises, souhaite que des clips TV soient utilisés pour démystifier la légende romantique du djihad. Il s’agirait d’aider les jeunes les plus vulnérables aux influences djihadistes à revenir sur terre. Malheureusement, les djihadistes ont encore le dessus. En août 2013, après l’attaque chimique à Damas qui a tué plus de 355 personnes dont de nombreux enfants, il était clair qu’on avait atteint là le point de non-retour, surtout si l’Occident n’intervenait pas militairement. Le refus du parlement britannique et le revirement américain quant à l’intervention militaire ont laissé le champ libre aux djihadistes pour mener leur campagne de recrutement.

Les images choquantes de l’attaque chimique à Damas ont marqué le monde pour les années à venir. Dans dix ans nous commencerons à réaliser que l’inaction de l’Occident a constitué le plus fort cri de ralliement au djihad.

Le discours d’Al-Qaida est très efficace: l’Occident est complice des souffrances endurées par les musulmans et les groupes djihadistes sont les seuls à pouvoir protéger les communautés musulmanes. La preuve en est que depuis le début du conflit, les Syriens ont réclamé le soutien occidental, pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne et pour l’opportunité d’établir un Etat de droit et une démocratie, authentique et plurielle. Jusqu’ici, l’Occident n’a rien fait pour soutenir les principes auxquels il prétend croire, ou pour sauver ces enfants.

Al-Qaida est en train de capitaliser sur le conflit syrien, et continuera de le faire, en l’utilisant comme un outil de radicalisation pour des générations de musulmans occidentaux. Un exemple similaire à celui de la Bosnie. Les conséquences intérieures de ce conflit peuvent être évaluées par le fait que certains extrémistes en appellent à prendre les armes contre l’Etat qui n’a pas voulu protéger des frères musulmans. L’ancien chef du groupe radical Al Moujahiroune, Omar Bakri Mohammed, avait l’habitude de dire: «Tuer ou être tué.»

Une modeste estimation de 500 Britanniques combattant au sein des rangs de groupes djihadistes tels que l’ISIS et Al-Nosra représente une simple goutte d’eau dans l’océan, comparé au potentiel de recrutement: à titre d’exemple, le nombre de recrues françaises a doublé au cours des trois derniers mois. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg: les services secrets européens ont lancé des alertes au sujet des risques terroristes sur leur sol de la part d’individus revenant de Syrie, radicalisés et entraînés.

Malheureusement la mesure la plus efficace pour endiguer ce phénomène n’a pas été adoptée, ni même évoquée par les gouvernements européens. Il s’agit de faire pression sur la Turquie pour qu’elle arrête le flot d’apprentis djihadistes qui cherchent à franchir la frontière syrienne. En effet, les villes frontières qu’utilisent les djihadistes ainsi que les hôtels et les passeurs sont connus de tous.

Mais la Turquie a deux raisons de permettre et même d’encourager cet afflux de combattants: premièrement faire tomber le régime d’El-Assad et deuxièmement aider les groupes extrémistes à combattre les Kurdes. L’OTAN, dont la Turquie est membre, devrait être ferme et résolue quant à l’importance d’une participation active des autorités turques dans l’arrêt du transit des djihadistes internationaux. Sans cela, toutes les mesures du monde resteront lettre morte.

Directeur de recherche au sein du think tank britannique The Henry Jackson Society

Nous réaliserons un jour que l’inaction de l’Occident a constitué le plus fort cri de ralliement au djihad