Cette décision d’Airbnb coïncide en réalité avec la publication d’un rapport rédigé par Human Rights Watch (HRW) sur la question. Dans ce rapport, l’ONG a décrit le statut des terres sur lesquelles ont été bâties ces propriétés, au terme de déclassements de terrains toujours pratiqués au détriment des Palestiniens. Elle a retrouvé certains des Palestiniens à qui les terres ont été volées, en violation du droit international humanitaire. Aujourd’hui, même s’ils le voulaient, les propriétaires palestiniens ne seraient même pas en mesure de louer ces maisons pour y passer quelques nuits: ils n’obtiendraient pas les autorisations nécessaires, du fait de leur carte d’identité palestinienne. De sorte qu’Airbnb participe bien à une «discrimination fondée sur la citoyenneté», arguait HRW. Bien plus: en encourageant la location de ces propriétés, la firme «contribue à la viabilité économique des colonies et à la perception de leur légitimité».
Airbnb a donc cédé, et la réaction du gouvernement israélien ne s’est pas fait attendre. Et le Sahara occidental occupé par le Maroc? Et le Tibet? Et la Crimée? Pourquoi ces territoires ne seraient-ils pas, eux aussi, concernés par des mesures similaires, interrogent des responsables, dont l’argumentation est reprise par des centaines d’internautes. Alors que, ailleurs, l’image d’Airbnb est sérieusement malmenée en ce qu’elle contribuerait au tourisme de masse et à la désertification des centres-villes, les appels au boycott ont commencé à fleurir ici pour une raison bien différente: la plateforme se serait rendue coupable de soutenir une politique «anti-israélienne», et de se faire le relais de positions «antisémites», en ce qu’elle vise spécifiquement des juifs. D’ores et déjà, la ministre de la Justice israélienne, Ayelet Shaked, a promis de porter plainte contre la plateforme. Et si l’on en croit le témoignage des internautes, nombreux sont ceux qui se passeront désormais des services d’Airbnb.
Alors qu’Israël occupe les territoires palestiniens depuis la guerre des Six-Jours de 1967, le thème est loin d’être nouveau. Mais en prenant aujourd’hui le détour de la location d’appartements, il a obligé Airbnb à prendre position sur une question qui est présentée par le gouvernement israélien comme une dispute historique insoluble. A la plateforme de location, désormais, de dessiner, maison par maison, les frontières d’un Etat d’Israël en suspens depuis plus d’un demi-siècle.