Alerte cyber sur la Suisse
ÉDITORIAL. La multiplication des attaques de hackers contre des entreprises helvétiques doit amener deux changements fondamentaux: une amélioration des systèmes de défense, mais aussi (et surtout) une transparence accrue de la part des sociétés victimes

Imaginons ce scénario. Vous apprenez soudain que votre assurance s’est fait voler toutes vos données personnelles. On retrouve ainsi, en libre accès sur le web, vos dernières analyses médicales effectuées dans un laboratoire. Tout comme la liste de vos achats au supermarché, ainsi que l’ensemble de votre correspondance avec votre notaire. La raison est simple: toutes ces entreprises, basées en Suisse, se sont fait pirater.
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Vous avez l’impression d’avoir déjà lu ce début d’éditorial il y a quelques mois, voire quelques années? C’est possible. Depuis longtemps, l’alerte est donnée, avec raison, par des experts. La multiplication des cyberattaques doit amener un changement profond des comportements des entreprises et des administrations. Mais il y a un problème: à force de crier au loup, plus personne n’y prête attention. Or les hackers ciblent aujourd’hui la Suisse avec une violence jamais atteinte.
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Ces derniers jours, le site de comparaison zurichois Comparis et la firme vaudoise Matisa, spécialisée dans les machines d’entretien des voies, se sont fait voler des données. Juste avant eux, Swatch Group, le constructeur d’hélicoptères Kopter, l’entreprise électrique Huber + Suhner ou le groupe médical Hirslanden avaient également été les cibles de hackers. Pour ces firmes, c’est souvent la double peine: une paralysie de leurs systèmes informatiques par un ransomware, accompagnée d’une mise en ligne d’informations sensibles pour appuyer la demande de rançon. Or ces informations sensibles, ce sont souvent les nôtres.
La Suisse fait face à deux problèmes. D’abord, une impréparation affligeante de la part des dizaines d’entreprises ciblées, qui ne prennent pas assez de mesures de protection. Ce souci n’est pas nouveau. Mais il s’accompagne d’un danger supplémentaire: l’opacité affichée par les victimes. Le comportement de Comparis est, à ce titre, consternant. Non seulement l’entreprise a menti en niant avoir versé une rançon aux pirates, mais en plus, elle ne veut pas dire quelles données lui ont été volées.
Jouer avec la vérité et cacher des informations essentielles à ses clients, voilà du pain bénit pour les pirates. A ce titre, les autorités devraient imposer aux firmes visées d’être transparentes et de mieux communiquer, car c’est l’un des moyens les plus efficaces pour sensibiliser d’autres victimes potentielles. Un changement majeur des pratiques doit intervenir si nous ne voulons pas que l’industrie du piratage, si dangereusement efficace, torpille davantage la Suisse.
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