Comment un «nerd introverti» a-t-il pu commettre un tel acte de haine? Les réseaux s’interrogent après l’attentat contre le Centre culturel islamique de Québec qui a fait six morts dimanche. Les convictions de l’auteur présumé, Alexandre Bissonnette, un étudiant de 27 ans décrit comme un «loup solitaire», sont pointées du doigt. Pro-Trump, pro-Le Pen, pro-Israël, anti-féministe et anti-musulman: le jeune militant d’extrême droite surfe sur tous les fronts. Inédite, l’attaque perpétrée dans une banlieue «paisible et sans histoire» détonne au sein d’un pays réputé pour ses efforts d’intégration. Mardi sur Twitter, le premier ministre, Justin Trudeau, s’est voulu rassembleur. «Ce soir, réunis à Québec, nous formons une seule communauté, un seul pays, une seule famille. #TousUnis.»

L’éternel «deux poids deux mesures»

Mais le Web bruisse. «Personne ne parle de l’attentat dans la mosquée de Québec. Ah, j’oublie. Le terroriste est blanc», lâche ‏@klepszoreol. Accusés de pratiquer le «deux poids deux mesures», les médias qui ont d’abord évoqué une «fusillade» et un «déséquilibré» essuient moult critiques. «Il s’agit d’un acte de terrorisme, un acte délibéré. On ne doit pas avoir peur des mots», estime le député de Québec solidaire @amirkhadir. «Le terrorisme n’a pas de religion, de nationalité ou de couleur», rappelle @launeza.

«Serez-vous #Québec? Serez-vous mosquée? Serez-vous musulman? Question rhétorique. Faites pas semblant», questionne encore la journaliste et militante anti-raciste Sihame Assbague.

Message d’unité

Non, les attaques terroristes ne sont pas l’apanage des musulmans, et la folie meurtrière d’un ultra-identitaire tue tout autant que celle d’un fanatique de Daech. Face à une violence protéiforme, la twittosphère tente de panser ses plaies. «L'#attentat au #Québec alerte sur l’urgence de régler TOUTES les formes de radicalisation. La #haine est assassine, ne laissons pas faire», exhorte l’écrivain @LeoAuteur.

Pour @Jfvezina, l’acte d’Alexandre Bissonnette trouve sa source dans un profond mal-être. «Ta haine, c’est un chagrin qui s’est infecté.» «Moi, c’est La honte qui m’habite ce matin au réveil. En même temps que bcp d’amour dirigé vers tous les musulmans de NOTRE Québec.. #stefoy», tweete encore la chanteuse pop @MoffattAriane.

Selon plusieurs médias, la conduite d’Alexandre Bissonnette sur le Net en dit long sur les raisons de son attaque. Il tenait notamment des propos xénophobes sur la page «Bienvenue aux réfugiés – Ville de Québec», qualifiait les féministes de «féminazies» et était un grand admirateur de Marine Le Pen qui a effectué une visite houleuse au Québec en mars dernier. Aujourd’hui, des internautes dénoncent le «silence assourdissant» de la présidente du Front national. «Hey @MLP_officiel un petit #Notinmyname?» raille @marcais_olive. Mais les choses ne sont pas aussi simples et tous les abonnés à la page de Marine Le Pen ne sont pas des terroristes en puissance.

Jusqu’ici, le Canada, où la population de religion musulmane est estimée à environ 1,1 million de personnes, était régulièrement cité en exemple. L’actualité récente montre que le pays n’est pas à l’abri des manifestations islamophobes. En juin dernier déjà, une tête de porc accompagnée d’une affiche «Bonne appétit» (sic) avait été déposée à l’entrée du Centre culturel islamique de Québec. Reflet d’une haine raciale banalisée.

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Ironie du sort, le jeune homme au visage juvénile ressemble étrangement au héros du film Polytechnique, consacré à la tuerie de l’Ecole polytechnique de Montréal en 1989. Hier, il était un étudiant en sciences politiques comme les autres. Il est aujourd’hui inculpé pour 11 chefs d’accusation: 6 meurtres et 5 tentatives de meurtre.

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