Le 1er mars, à Bruxelles, le président de la Commission européenne présentait son livre Blanc sur l’Europe post-Brexit. Pour cette union à 27, plutôt que d’asséner le mantra d’un «plus d’Europe ou le chaos», Jean-Claude Juncker esquissait cinq scenarii: le statu quo, le retour à un simple marché, une Europe à plusieurs vitesses, une plus grande intégration dans quelques domaines et, enfin, un renforcement du fédéralisme. Ce sera, en définitive aux Etats de se prononcer.

La nouveauté? Pour la première fois, un président de la Commission évoquait la possibilité d’un recul de l’intégration comme horizon. C’est la seule option que Jean-Claude Juncker a écartée. Mais le simple fait de rouvrir le débat est en soit un progrès. Car il oblige les tenants de cette ligne à sortir du bois, c’est-à-dire à livrer leur mode d’emploi pour déconstruire une union sans la mettre à bas.

Le scénario 3 a l’avantage

Alors que le livre Blanc évoque un long processus de décision, associant les populations et devant mener aux élections européennes de 2019, la discussion s’est singulièrement accélérée ces derniers jours. En début de semaine, un mini-sommet à Paris réunissait la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Les quatre grands pays de l’Europe de l’Ouest ont leur préférence: le scénario 3, celui d’une Europe à plusieurs vitesses.

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C’est cette voie qui a été à nouveau mise en avant par Berlin et Paris, hier à Bruxelles, lors d’un dernier sommet pré-Brexit. Londres devrait en effet actionner dès la semaine prochaine l’article 50 devant lancer la procédure de divorce. Plusieurs pays du noyau historique, la Belgique et les Pays-Bas notamment, se sont ralliés à la dynamique franco-allemande. D’autres, à l’est, se montrent plus sceptiques. La Pologne est sur une position de refus affiché. A vrai dire Varsovie est entré en conflit ouvert avec Bruxelles après l’humiliation infligée jeudi par le conseil européen. Celui-ci s’est prononcé à l’unanimité, moins une voix, pour reconduire le polonais Donald Tusk à sa présidence. Le gouvernement polonais, lui, voulait éliminer un ennemi historique du parti au pouvoir. En vain.

Le retour des pionniers

Mais revenons au scénario d’une Europe à plusieurs vitesses. C’est l’option la plus détaillée du livre Blanc de Jean-Claude Juncker. De quoi parle-t-on? «Si nous ne parvenons pas à un accord à 27 il devrait alors être possible pour ceux qui le désirent de progresser dans des domaines qu’ils jugent nécessaires», est-il écrit. Exemple: l’échange d’informations pour lutter contre le terrorisme, la mise en place d’un système d’asile, la consolidation des capacités de défense.

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 Jean-Claude Juncker juge que c’est possible, mais avec un risque: rendre l’UE encore moins compréhensible aux yeux des citoyens. De fait, l’Europe à plusieurs vitesses existe déjà avec l’euro ou l’espace Schengen. C’est la multiplication de cercles qui pourraient devenir problématique. «Le but reste d’aller de l’avant. Si c’est impossible à 27, il doit être possible de le faire pour une coalition d’intégrationnistes, poursuit le président de la Commission. Après tout, les succès européens ont presque toujours été le fruit du travail de pionniers.»

Unis dans la diversité

Vendredi, Angela Merkel se voulait rassurante: «La devise est que nous sommes unis, mais unis dans la diversité». François Hollande évoquait des pistes pour les plus pressés: la défense, l’euro, l’harmonisation fiscale et sociale. Mais, d’ici deux mois, il ne sera plus là pour défendre son credo européen. A vrai dire, avant les élections françaises (mai), allemandes (septembre) et dans une moindre mesure néerlandaises (mercredi prochain), ces débats restent théoriques.

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