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Assurément, Credit Suisse aurait dû être sauvé par la BNS!

OPINION. C'était dans les missions de la BNS que de mettre à disposition des liquidités à Credit Suisse dès qu'il le fallait – donc bien plus tôt –, et en le faisant amplement savoir, souligne Michel Girardin, de l'Université de Genève

Arrivée de Thomas Jordan, son président, dans les locaux de la BNS, pour discuter du sauvetage. Berne, le 19 mars 2023. — © FABRICE COFFRINI / AFP
Arrivée de Thomas Jordan, son président, dans les locaux de la BNS, pour discuter du sauvetage. Berne, le 19 mars 2023. — © FABRICE COFFRINI / AFP

Il n’y a aucun doute à avoir: la BNS aurait pu et aurait dû sauver Credit Suisse!

A l’origine, les banques centrales n’ont pas été créées pour piloter la politique monétaire d’un pays à force de variations des taux d’intérêt directeurs, de politique de change ou de mesures moins conventionnelles comme les injections de liquidités par le rachat d’actifs financiers, mais bien pour éviter… les paniques bancaires!

Les paniques bancaires (bank run) sont inhérentes à notre système financier, en ce qu’il repose sur la création de liquidités par les banques. Ainsi, si je dépose 1000 francs à la banque A, celle-ci va garder 10% dans sa caisse et prêter les 900 restants à des particuliers ou des entreprises. Qui vont eux-mêmes déposer leurs avoirs dans une banque B ou C, qui attribueront, elles aussi, 10% des sommes en réserve et redistribueront le reste. Au final, une part des dépôts de 10% attribuée aux réserves par les banques entraîne un levier de 10: à mon épargne de 1000 francs à la banque A vont être ajoutés 9000 francs de liquidités créées par les banques, pour une masse monétaire totale de 10000 francs. C’est la mécanique du multiplicateur monétaire.

Lire aussi: Accalmie sur les marchés financiers après le choc du rachat de Credit Suisse

Lorsque la confiance dans une banque s’évapore, et qu’il n’y a pas de banque centrale pour fournir les liquidités manquantes à la banque en question – les fameux 9000 francs dans l’exemple ci-dessus (dans l’hypothèse simplificatrice que les banques B et C soient rattachées à la banque A) – la meilleure garantie qu’ont les clients de récupérer leur pécule est… de se précipiter à la banque pour être parmi les premiers aux guichets.

La dernière panique bancaire d’envergure aux Etats-Unis remonte à 1907. A l’origine de cette crise, il y a le séisme de San Francisco qui dévaste la ville. Des besoins gigantesques en capitaux seront détournés de New York pour aller reconstruire une région qui a profité de la ruée vers l’or quelques décennies plus tôt. Les banques sont à court de liquidités et tombent les unes après les autres. C’est pour pallier ce problème majeur que la Réserve fédérale verra le jour en 1913.

La fuite des retraits aurait pu être endiguée

Mais revenons à 2023. Les problèmes que connaît la Silicon Valley Bank rappellent aux investisseurs que la résistance d’une chaîne se mesure à son maillon faible. Les investisseurs se sont donc tournés vers le suivant après la faillite de la SVB. Ils ont trouvé Credit Suisse.

Alors oui, il y a un problème de confiance pour Credit Suisse qui s’est traduit par un manque de liquidités. Mais il y a un moyen très simple de stopper net l’hémorragie des comptes soldés par des clients apeurés que la banque n’ait plus les liquidités nécessaires: que la banque centrale se montre déterminée à fournir ces liquidités et, surtout, qu’elle l’annonce haut et fort! Nous avons appris dimanche dernier que la Finma avait en octobre dernier déjà des craintes sur des sorties de fonds majeures de la part des clients de Credit Suisse. C’est à ce moment-là qu’il fallait annoncer la mise à disposition des liquidités… au cas où.

Lire encore: Chute de Credit Suisse: la blessure zurichoise

Mettre ces liquidités à disposition de Credit Suisse était le meilleur moyen d’éviter d’y recourir: si les clients de la banque savent que celle-ci n’a aucune difficulté à solder leur compte et leur rendre leur pécule, ils ne voient plus l’utilité de se précipiter aux guichets de la banque.

Pas de banque sans confiance

Il y aurait bien un moyen d’éviter que les banques centrales ne doivent occasionnellement jouer aux pompiers: il suffirait que les banques ne prêtent aux entreprises et aux ménages que l’argent dont elles disposent sur les comptes d’épargne. C’était l’idée de l’initiative dite «de la monnaie pleine» que le peuple suisse a rejetée en 2018. Dans ce cas de figure, il n’y a pas de multiplicateur monétaire et la stabilité du secteur bancaire est assurée… Mais alors à quel prix? En Suisse, l’épargne des ménages représente 22% de leurs revenus disponibles. La dette de ces mêmes ménages est quant à elle équivalente à 228% de ce même revenu disponible, la quasi-intégralité de cette dette représentant de l’immobilier. Ramener le multiplicateur monétaire de 10 à 1 équivaudrait à supprimer l’équivalent de crédits aux particuliers pour 206% du PIB de la Suisse, soit plus de 1600 milliards de francs: la catastrophe serait assurée.

Les banques commerciales se doivent donc de financer la croissance économique par la création monétaire. Et les banques centrales se doivent de veiller à ce que la confiance dans les banques soit restaurée lorsqu’elle fait défaut. Et c’est ici que la communication a connu un raté fatal à Credit Suisse.

Notre dossier :Credit Suisse, la chute de la deuxième banque