A propos de l’opinion «Ukraine, le dialogue impossible» d’Eric Hoesli dans «Le Temps» du 9 janvier

Jean-Claude Péclet, Prilly (VD)

Dans son analyse «Ukraine, le dialogue impossible», Eric Hoesli mentionne les interviews d’Angela Merkel à Die Zeit et de François Hollande au Kiev Independent. Les deux ex-chefs d’Etat y auraient «affirmé» que les accords de Minsk «ont d’abord servi à donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer» fournissant ainsi à Moscou «une dangereuse interprétation a posteriori de leurs intentions». Ils auraient surtout «torpillé la crédibilité de tout nouvel accord avec leurs pays respectifs».

Lire le texte mentionné: Ukraine, le dialogue impossible

Soyons précis. Dans Die Zeit, c’est le journaliste qui suggère l’hypothèse d’un gain de temps pour que l’Ukraine se réarme. Ce à quoi Angela Merkel répond: «L’Ukraine a aussi (c’est le soussigné qui souligne) utilisé ce temps pour se renforcer.» A aucun moment, Merkel ne dit que telle était la stratégie prioritaire et délibérée de l’Allemagne ou de la France. Au contraire, dans une autocritique dont elle n’est pas coutumière, elle note plus loin: «Nous aurions dû réagir plus vite à l’agressivité russe.» Il faut la mauvaise foi de la propagande russe pour y lire les aveux d’une chancelière qui aurait machiavéliquement manœuvré contre Moscou!

Quant à François Hollande, il dit ceci: «Une rupture s’est opérée avec le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012. Il rêvait de recréer l’Union soviétique. Poutine a adopté une posture agressive, attendant de voir comment l’Ouest réagirait.» Hollande partage certes l’analyse de Merkel selon laquelle les accords de Minsk ont offert à l’Ukraine un répit pour renforcer sa défense, notamment au Donbass où «des preuves claires» montrent que le conflit est téléguidé par Moscou. Les retraits américains de Syrie et d’Afghanistan et la présidence Trump, poursuit-il, ont amené Poutine à penser que «le temps jouait en sa faveur et qu’il pouvait poursuivre l’invasion de l’Ukraine. […] L’objectif de Poutine en 2015 était de pousser la ligne de front aussi loin que possible. Il visait déjà Marioupol.» Voilà pour les propos vérifiables sur les sites de journaux. A chacun d’en tirer sa réponse à la question: qui donc jouait les machiavels, l’Ouest ou Moscou?

La propagande poutinienne a toujours cherché à victimiser une Russie que de fourbes Occidentaux rouleraient dans la farine… C’est un élément de sa stratégie. Raison de plus pour qu’un spécialiste de la Russie prenne des pincettes en l’analysant.

Quant au dialogue impossible – pour l’instant du moins – on ne peut qu’être d’accord avec Eric Hoesli et citer François Hollande: «Il n’y aura d’issue au conflit que lorsque la Russie aura pris note de l’échec de son entreprise meurtrière.»


Chine et Covid-19: évitons la guerre civile en Suisse et en Europe!

Roger Deneys, Meyrin (GE)

Soyons clairs: début 2020, la pandémie de Covid-19 a brutalement et mortellement envahi l’Europe parce que la Suisse et l’Union européenne ont regardé passivement et sans prendre de mesures immédiates la Chine et les Chinois se faire contaminer des semaines durant. Il aura même fallu plusieurs semaines de passivité totale de la Suisse et du Conseil fédéral, alors que la pandémie explosait aussi en Italie du Nord, avant que nous ne réagissions enfin mais beaucoup trop tard.

Lire aussi: La Suisse n’exigera aucun test covid pour les voyageurs arrivés de Chine

A titre d’exemple, alors que j’arrivais à Tokyo au Japon début février 2020, les Japonais essayaient déjà d’identifier les passagers en provenance de Chine, estimant déjà que la situation était problématique sur l’île d’Hokkaido au nord, où des écoliers étaient notamment contaminés. Quand je suis revenu deux semaines plus tard, fin février 2020, en Suisse et en Europe via Munich, pas plus les douaniers allemands que les douaniers suisses ne se préoccupaient de la provenance des passagers ou du respect de normes sanitaires minimales comme la distance entre les passagers ou le port de masques: RIEN!
Il n’y avait RIEN! Alors que ce vol venait de Tokyo et que des cas étaient déjà signalés par milliers au Japon! La passivité et comme toujours la politique libérale du moindre coût de l’Union européenne et de la Suisse ont très largement contribué à l’expansion du coronavirus.

Bientôt trois ans plus tard, avec un système de santé sur les rotules et des soignant.e.s à peine récompensé.e.s pour leur travail phénoménal, avec aussi des soignant.e.s victimes de covid long qui perdent aujourd’hui leur job parce qu’ils ne peuvent plus reprendre leur travail, la Suisse et l’Union européenne veulent de nouveau jouer aux crétins en ne prenant pas d’abord des mesures pour contrôler systématiquement toutes les personnes en provenance de Chine, où la gestion du covid est actuellement mensongère et calamiteuse: c’est pourtant la première chose à faire, aussi histoire de voir comment ça se déroule durant les premiers mois de la réouverture de la Chine, notamment en termes de nombre de personnes contaminées et surtout de variants détectés! Au minimum pour les six premiers mois, peut-être un an!

Si ces mesures pour contrôler les personnes en provenance de Chine ne sont pas prises et que la pandémie redémarre ici, soyons clairs: ce sera la guerre civile en Suisse et en Europe! Dans ce sens, la décision du Conseil fédéral de ne pas prendre de mesures pour contrôler systématiquement les passagers en provenance de Chine est honteuse et incompréhensible: on y lit une fois de plus un cynisme au service des seuls intérêts économiques.


«Sans filtre» et la liberté de penser

Pierre Nikolic, Corminbœuf (FR)

J’ai lu avec délectation le dernier «Sans filtre» concernant l’Uni de Genève et son choix de ne pas (encore?) déposer plainte en relation avec la perturbation de l’intervention de Mme Amaudruz dans l’alma mater au mois de décembre. Où l’on voit que même les enceintes que l’on pensait naïvement garantes de la liberté de pensée et d’expression se font elles-mêmes gangrener par des milieux qui, il n’y a pas si longtemps, se posaient en défenseurs de la diversité des idées et des modes de vie et qui se transforment petit à petit en dogmatiques voulant imposer leur vision du monde à l’ensemble de la population.

Lire la chronique mentionnée: Invité à l’Université de Genève? Gare à vous

Voilà de nombreuses semaines que j'envisage de vous écrire un bref message pour vous féliciter de la qualité de vos articles et des papiers publiés dans la rubrique «sans filtre» [...]. A l'ère de la dictature du politiquement correct, le bon sens, la réflexion et l'esprit critique qui les caractérisent font de plus en plus défaut dans les médias alors qu'ils sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de la démocratie. Merci pour tout cela!


Droit à la mort naturelle pour les chauffages générateurs de CO2

Les glaciers reculent à vue d’œil, les périodes neigeuses sont de plus en plus éphémères, les COP se succèdent sans résultats tangibles, l’inquiétude croît et commence à se transformer en fatalisme.

Et pourtant, le problème écologique n° 1 de la planète semble indifférer les députés roses- verts vaudois; preuve en est la souplesse adoptée à l’endroit des propriétaires de chauffages producteurs de CO2, simplement sommés de remplacer leurs installations lorsqu’elles sont à bout de souffle par des installations plus «responsables»; curieusement, les propriétaires de chauffages utilisant de l’«électricité hydraulique» doivent eux, en revanche, démanteler leurs installations et, partant, procéder à des transformations lourdes, gênantes et coûteuses de leurs logements, lesquels ne disposent pas de système de circulation d’eau chaude, et cela pour un gain énergétique marginal, sans rapport avec les efforts imposés.

Un article sur ce sujet: Vaud signe l’arrêt de mort des chauffages électriques

Quelle mouche a piqué nos députés roses-verts pour qu’ils s’acharnent sur quelques milliers de propriétaires de chauffages propres qui ne contribuent nullement au réchauffement climatique, les roulant ainsi dans la farine, puisqu’ils les ont incités, il y a 40 ans, à faire ce choix, alors que les utilisateurs d’installations polluantes, qui n’auraient que la source de chaleur à changer, bénéficient, malgré cela de leur mansuétude? Comment comprendre cette instrumentalisation d’une situation critique (espérons-la temporaire) en approvisionnement énergétique, conjointement à ce manque d’empressement face au problème du réchauffement? Serait-ce parce que les producteurs de CO2 représentent 5 à 6 fois plus de voix? Et que dire des 250 000 radiateurs en état de marche promis à la ferraille?


Révision de l’AVS: la vraie pauvreté

Pierre-Jean Erard, Bôle (NE)

Au milieu de la déferlante féministe qui a submergé la campagne à propos de la dernière révision de l’AVS, une éminente parlementaire fédérale a évoqué la pauvreté, voire la précarité qui touche la population âgée. Cette pauvreté est souvent sous-estimée, méconnue, occultée par la discrétion des personnes qui la vivent. Il s’agit, en particulier, des personnes à qui l’on n’accorde que la moitié d’une rente, moitié que l’on appelle pudiquement «rente minimum». Ainsi, les personnes qui ont passé toute leur vie dans la plus grande pauvreté sont encore maintenues dans celle-ci à leur retraite puisqu’on ne leur accorde que la moitié d’une rente. On impose ainsi aux personnes dont les salaires ont été les plus bas de la société de demeurer dans la pauvreté et la précarité, une fois retraités.

Notre éditorial du 11 novembre 2022: L’angle mort de la pauvreté en Suisse

Votée en 1925 par le peuple suisse et entrée en vigueur en 1948, l’AVS était vue, au départ, comme une prévoyance. On cotisait selon son revenu, et on récupérait plus tard sa mise sous forme de primes. Comme il s’appliquait à toute la population, ce mouvement était perçu comme une manifestation de solidarité universelle. Et le fait que les rentes dépendent des montants versés découlait de la logique du système.

De nos jours, près de trois quarts de siècle plus tard, l’AVS est vue d’une tout autre manière. Elle est intégrée dans un contexte global de prévoyance à trois piliers dont elle constitue le premier. Elle en devient la base, le socle à partir duquel sont bâtis les deux autres. S’il est normal que le montant des rentes dépende du nombre d’années de cotisation, il ne l’est plus que celles-ci dépendent du montant de ces cotisations, c’est-à-dire fasse intervenir le salaire qu’ont touché ces personnes.

Aujourd’hui, ce premier pilier n’atteint pas à lui seul l’objectif qu’on lui avait fixé au départ. C’est pour cette raison qu’ont été développés le deuxième puis le troisième pilier. Mais on sait aussi que, parmi la population âgée, nombreuses sont les personnes pour qui la part de ce premier pilier est prépondérante et qu’une partie non négligeable des retraités vivent dans la pauvreté et la précarité en ne touchant, selon le mode de calcul encore en vigueur, que la moitié d’une rente.

Ce qui était «normal» il y a trois quarts de siècle apparaît dans le système d’aujourd’hui comme une profonde injustice sociale. La société aurait de quoi se révolter, réclamer à grands cris qu’on corrige le tir. Mais que nenni. Pour la population, ce problème est éclipsé par le battage qu’on fait autour du sort des femmes. Dans le monde politique, la droite n’en a cure. Quant à la gauche, elle ne trouve rien de plus avisé que de vouloir indexer uniformément les rentes ou de prévoir d’introduire une 13e rente. Elle reprend à son compte une démarche qu’elle a toujours combattue: «Faire un cadeau aux riches et une aumône aux pauvres.»

De toute évidence, les discussions (s’il y en a) vont porter sur les coûts, les contributeurs et les bénéficiaires de l’opération. Selon une récente statistique de la Confédération, le montant total des rentes se situe autour de 8 mia de francs par année, avec une moyenne de 2093 CHF par bénéficiaire. Accorder à chacun la rente maximum (2400) nécessiterait une augmentation de 1,3 mia de francs, soit 17% du montant total, tandis qu’aligner tous les bénéficiaires sur la rente moyenne serait neutre pour l’AVS, mais pénaliserait les rentes plus élevées. Un compromis bien helvétique consisterait à couper la poire en deux en fixant la rente à 2200 fr., un «sacrifice» supportable pour les rentes élevées. Elle réduirait du même coup la participation de l’AVS à 600 mio de francs, soit l’équivalent de ce que coûterait une 13e rente. C’est la question qui se posera aux négociateurs de la prochaine révision: saupoudrer le tout par une indexation ou une 13e rente ou cibler une prochaine adaptation de l’AVS sur la population la plus nécessiteus·e.

Ecrivez-nous! Hyperlien@letemps.ch

Lisez aussi: Vous nous avez écrit sur… l’Iran, l’UE, les féminicides et Albert Rösti (décembre 2022)

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.