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La vidéo «TOC!: Le langage épicène pour les nul.le.s» de l’humoriste Claude-Inga Barbey, publiée sur notre site lundi dernier, a suscité un vif débat en Suisse romande, et trop de réactions pour que nous puissions toutes les publier. Voici deux courriers assez emblématiques, parmi tous ceux que nous avons reçus. Vous pouvez sur ce sujet aussi relire:


Lettre au «Temps»

Sandra Carlucci, Lausanne (VD)

Je m’adresse à vous en tant que psychologue formée dans l’approche psychanalytique, ainsi qu’en tant que membre de la communauté LGBTQIA. La transphobie, la biphobie, l’homophobie, la psychophobie incarnées dans cette vidéo sont absolument intolérables. La vidéo véhicule et encourage l’oppression des minorités qui le sont déjà bien assez. De plus, elle véhicule des informations fausses concernant la santé psychique de la communauté LGBTQIA et la santé psychique en général.

Je suis membre de la commission «féminismes et intersectionnalité» de l’Association vaudoise de psychologues, nous nous questionnons sur les enjeux de stress des minorités, de représentativité et d’inclusivité et je ne peux pas comprendre comment votre média a pu tolérer ce genre de contenu.

Offrez de la visibilité à ces minorités. Offrez de la visibilité aux artistes qui essaient de changer le monde, qui peuvent aussi avoir beaucoup d’humour. Offrez de la visibilité à la sensibilisation sur la santé mentale.

En offrant un espace à ce genre d’humour, vous n’êtes pas neutre, vous donnez de la place à l’oppression, vous y participez. Supprimer la vidéo en expliquant pourquoi à votre audience serait une prise de position bénéfique pour votre image, réparatrice pour la communauté et
éducative pour votre lectorat.


A propos d’humour

Michel Henry, Vandœuvres (GE)

En général, l’humour met le doigt là où ça fait mal, et comme personne n’aime avoir mal, il apparaît normal de chercher son interdiction pure et simple. Remercions les médias qui ont déjà commencé en supprimant les caricatures, comme le NYT, ou en supprimant Les Guignols, comme Canal+, etc.

Relire: Patrick Chappatte: «L’air du temps n’est pas propice à la liberté de ton» (22.01.2021)

Afin d’éviter tout passage à l’acte violent, qui semble se dessiner comme la seule réponse adéquate à l’humour, comme l’a démontré l’actualité française à plusieurs reprises, il convient d’opter le plus rapidement possible pour un format qui ne blesse rien ni personne. Même pas son auteur qui, s’il venait à rire de lui-même, démontrerait ainsi une forme d’auto-agression à l’encontre de ses propres fragilités, forme ultime de perversité le plaçant de facto dans une situation schizophrénique, lui permettant et l’empêchant simultanément de s’exprimer et d’être.

Ce format devra porter, dans un cadre respectueux, les valeurs millénaires de l’humour, ce mode d’expression qui nous est cher et que nous voulons préserver à tout prix, car le rire est le seul ballon d’oxygène qui nous reste dans ce monde oppressif pour tout être non normé comme Ken et Barbie.

Après passage en revue des diverses alternatives, la solution la plus convaincante et la plus simple à mettre en œuvre nous semble offerte par l’exemple suivant:

«,!,,.…!!!! »

Non contente d’être parfaitement respectueuse, cette forme d’humour a l’avantage énorme d’être totalement inclusive, d’anticiper les mutations futures de l’orthographe et de la grammaire, et de préparer le terrain de manière ouverte aux nouveaux genres et sexualités émergentes (inclusif). Par contre il est évident qu’elle ne résistera pas à l’évolution attendue des règles de ponctuation, ce qui n’en fait naturellement qu’une solution provisoire. En attendant l’interdiction totale, qui devrait nous faire mourir de rire.


Revoir la vaccination dans le canton de Vaud

Luc Otten, MD-PhD, Epalinges (VD)

Bravo pour votre article sur la vaccination…

Relire: Vaud attend encore pour vacciner le groupe 2

L’absence de visibilité pour les autres tranches d’âges (selon le département vaudois), la promotion vaccinale famélique, les places libres de réservation (cas unique en Romandie), l’absence de réservation dès 65 ans sur Vaud au contraire de Genève suggèrent fortement que Vaud s'organise mal. 

Une des possibles raisons est la même que celle qui a causé plus de morts sur Vaud que Genève lors de la 1er vague: le très fort fonctionnement en silo/tour d'ivoire du CHUV lié à un petit groupe de personnes dirigeantes ayant une très faible diversité de point de vue et d'expérience. 

L'axe Maillard-Peters 2x-Ruiz- etc n'offre pas une diversité de point de vue suffisante. Les résultants de mortalité de la 1er vague, la différence de collaboration privé-publique et maintenant l’organisation de la vaccination toujours en défaveur de Vaud par rapport à Genève ne sont pas en faveur du modèle vaudois « parti unique dans l’administration » (maintenant socialiste, hier radical). 


De la difficulté à enseigner les langues

Raymond Gassmann, directeur de Supercomm Langues & Communication Suisse SA

Le billet de Mme Hentsch («Un métier à valoriser: formatrice en langues!», LT du 15.03.2021) m’a interpellé, tant il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de vivre dignement en enseignant les langues.

Suite au tapage de récentes enseignes venues de l’UE, souvent acoquinées avec des sociétés suisses, le prix des cours de langues n’a cessé de dégringoler depuis quelques années, au point que très peu d’écoles suisses se risquent encore à répondre aux appels d’offres nationaux. Notons au passage que ces sociétés de l’UE paient leurs formateurs entre 15 et 30 euros l'heure, les formateurs des autres continents gagnant en général rarement plus de 5 dollars/heure.

Pensant qu’une école ou une méthode vaut l’autre, les acheteurs des grandes sociétés et parfois même des grands corps de l'Etat ne s’arrêtent le plus souvent qu’aux tarifs proposés sans rien lire des contenus, ni des façons d’enseigner, que ce soit en face-à-face, à distance, voire par e-learning, où statistiquement seulement 10% des apprenants vont au bout de leur programme.

Pour survivre, les écoles de ce pays doivent impérativement adopter des politiques tarifaires concurrentielles, allant parfois jusqu’à 50% de remise. Autant dire que tout le monde passe à la casse (sic): formatrices, formateurs, comme les patrons de ces écoles.

Une médiocratie des cours de langues s’est ainsi mise en place un peu partout et les grandes entreprises changent de partenaire linguistique chaque trois ou quatre ans, jurant mais un peu tard qu’on ne les y reprendrait plus, se mordant les doigts d’avoir choisi des systèmes prétendument modernes parce que distanciels, où les fournisseurs de l’UE travaillent en mode one shot, cherchant seulement à faire du profit à court terme, au détriment des apprenants qui n’en peuvent mais et sont toujours les laissés pour compte.


Respecter la parole donnée

Guillaume Fatio, Céligny

Même s’il est de bon ton en ces temps incertains de considérer que «les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent» (selon le mot d’Henri Queuille, homme politique français), nous devrions au contraire choisir nos gouvernants à l’aune du respect de leurs engagements. En Suisse, les élus sont assermentés lors de leur entrée en fonction. A Genève, les conseillers d’Etat prêtent le serment suivant *:

«Je jure ou je promets solennellement:
– d’être fidèle à la République et Canton de Genève, d’observer et de faire observer scrupuleusement la Constitution et les lois, sans jamais perdre de vue que mes fonctions ne sont qu’une délégation de la suprême autorité du peuple;
– de maintenir l’indépendance et l’honneur de la République, de même que la sûreté et la liberté de tous les citoyens;
– d’être assidu aux séances du Conseil et d’y donner mon avis impartialement et sans aucune acception de personnes;
– d’observer tous les devoirs que nous impose notre union à la Confédération suisse et d’en maintenir, de tout mon pouvoir, l’honneur, l’indépendance et la prospérité;
– de ne solliciter, ni d’accepter, pour moi ou pour autrui, ni directement, ni indirectement, aucun don, avantage ou promesse en raison de ma fonction et de ma situation officielle.»

A l’heure du vote, les citoyen.nes qui placent la dignité et la pérennité des institutions au-dessus des contingences du moment devraient apprécier le respect de la parole donnée par les élus avant leur orientation politique. Et ne pas réélire des personnes dont il est démontré qu’elles ont violé leur serment de multiples manières et à réitérées reprises. C’est le prix à payer pour assurer la crédibilité de notre système démocratique.

Sur ce sujet, relire notre éditorial: Une élection partielle qui a déjà tout changé

https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_b1_01.html


Courses pédestres: le mythe des «machines à fric»

Francesca Sacco, bénévole et ex-présidente de l’UMS (Ultramontée du Salève, éditions 2010 à 2012)

«Un dossard à 70 euros, ce n’est pas un peu exagéré?» La personne qui m’a posé cette question au sujet de l’Ultramontée du Salève (UMS), prévue le 10 avril, avait l’air de penser que cette épreuve pédestre est une «machine à fric». L’inscription était à 23 euros lors de la première édition en 2010, cela fait une augmentation de 200%.

Pourtant, je n’ai jamais vu de voiture de luxe sur le parking du club organisateur. En revanche, j’ai vu des dizaines de gens se lever à 5h du matin pour charger, transporter, déballer et remballer du matériel pour que cette manifestation se déroule sans accroc. Je me souviens d’une année où il nous manquait des dossards la veille du jour J. C’est le président du club lui-même qui a fait le nécessaire pendant sa pause de midi!

Loin d’être une «machine à fric», l’UMS est un miracle. Il faut savoir que les compétitions pédestres reposent traditionnellement sur le bénévolat, et c’est ce qui a permis aux organisateurs de maintenir pendant longtemps les inscriptions à des prix dérisoires. Le problème, c’est qu’on a fini par considérer que c’était normal. Je m’explique. Un médecin chrétien m’a dit un jour: «Dès que les gens savent que je suis chrétien, ils s’attendent à ne pas devoir payer.» Eh bien, il en va de même pour ce dossard qu’on trouve trop cher: ce genre d’offuscations en dit long sur ce qui mérite, selon nous, de l’argent.

Le «business model» du tout-bénévolat a montré ses limites

Avec la professionnalisation du circuit, le business model du tout-bénévolat a montré ses limites et les organisateurs ont dû commencer à engager des salariés – trois personnes à temps partiel pour le Club athlétique de Saint-Julien (ASJ74), responsable de l’UMS. Avec un peu de chance – mais il faut vraiment disposer de solides arguments – il est possible de séduire une grande banque ou un équipementier de renom pour financer la manifestation sportive. Or l’UMS n’a pas ce bonheur, bien qu’elle figure parmi les 100 trails préférés des pros dans le magazine Nature Trail et qu’elle ait été nommée «coup de cœur de l’année» par le Berglauf Journal dans son classement des plus belles courses d’Allemagne, de France, d’Autriche et de Suisse.

Regardez le blockbuster du trail, l’archétype des supposées «machines à fric», l’Ultratrail du Tour du Mont-Blanc (UTMB). En 2020, l’épreuve mythique a été annulée pour cause de crise sanitaire, mais les coureurs n’ont été remboursés qu’à hauteur de 55% de la taxe d’inscription (280 euros). L’organisateur s’est déclaré dans l’incapacité de débourser davantage: «Je ne vois pas qui peut nous reprocher de payer les salaires.» Selon une source officielle, une nouvelle annulation en 2021 serait «une catastrophe».

En fait, le débat sur les taxes d’inscription agite le monde de la course à pied depuis une bonne dizaine d’années. Leurs montants ont globalement triplé, selon le magazine Running Romand, qui a publié en 2018 une enquête concluant que ce qui serait vraiment étonnant, c’est qu’ils demeurent stables alors que tout augmente! En juillet dernier, on lisait dans le magazine Bilan que si le prix de l’inscription devait couvrir la totalité des frais générés par les coureurs, la participation à une épreuve telle que les 20 km de Lausanne coûterait 100 francs, au lieu de 35. Dans les petites compétitions, 90% de la taxe est siphonnée par les frais d’organisation, le poste le plus onéreux étant le chronométrage.

Avec la pandémie de Covid-19, la question a pris une dimension inédite. En respect de ses engagements envers la Fédération française d’athlétisme (FFA), l’ASJ74 est tenu de réinvestir les bénéfices dans l’accompagnement de la jeunesse. On avait l’habitude de la voir écumer le circuit pour ramener des médailles en Haute-Savoie. Maintenant, la relève fait du surplace et le club est suspendu à un éventuel report de l’UMS, qui constitue l’une de ses principales sources de revenus. L’année dernière, le comité d’organisation avait réussi à sauver les meubles en choisissant une date hors des périodes de confinement. Il ne lui reste plus qu’à prier pour que le miracle se reproduise en 2021.


La semaine passée: Vous nous avez écrit sur… la zone à défendre du Mormont, la frénésie du tout en ligne et la conscience animale

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