AVS 21, un oui féministe
Editorial
ÉDITORIAL. Peut-on être féministe et voter pour l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes? Absolument, et voici pourquoi

L’enjeu démographique est connu. Nous vivons plus vieux, les retraités touchent leur rente AVS plus longtemps, alors que les travailleurs qui financent ces rentes sont proportionnellement moins nombreux. Si rien n’est fait, le résultat de l’AVS deviendra négatif dès 2025 et le besoin de financement s’élève à 18,5 milliards de francs d’ici à 2032, nous prédit Berne. C’est pour stabiliser pendant dix ans l’assurance vieillesse et survivants que la réforme AVS 21 a été élaborée.
Contrairement à d’autres compromis sortis du Palais fédéral, la longue préparation de cette rénovation a abouti à un paquet plutôt bien ficelé. Sont prévues une augmentation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans et une hausse de la TVA de 0,4% pour le taux normal. Les compensations pour la génération des femmes concernées par ce relèvement de l’âge sont réelles. Les femmes toucheront une année de prestations de moins mais leur rente ne va pas diminuer. La hausse de la TVA, qui finance la majorité des nouvelles recettes, sera payée par tous.
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Faut-il le préciser: nous votons sur le premier pilier de notre système de prévoyance, rien d’autre. La votation éventuelle sur une augmentation de l’âge de la retraite à 66 ans, à la suite de l’initiative lancée par les Jeunes PLR, n’interviendra pas avant 2026. Le vrai problème est celui du deuxième pilier, effectivement choquant pour les femmes puisque les prestations qu’elles touchent sont deux fois inférieures à celles des hommes. La réforme de cette assurance, en discussion au parlement, est le vrai chantier sur lequel elles devront s’engager en temps utile. Quant à la BNS, appelée en renfort chaque fois qu’il faut remplir une caisse fédérale, elle n’apporterait aucune sécurité au système.
L’AVS est de loin l’assurance la plus sociale et équitable dont les femmes profitent. Les plus gros salaires contribuent plus alors que les rentes sont plafonnées. Il est piquant de souligner que la retraite, fixée en 1948 pour les deux genres à 65 ans, a été abaissée en 1964 à 62 ans pour les femmes pour que le couple puisse prendre sa retraite ensemble, les femmes étant en moyenne de deux ou trois ans plus jeunes que leur mari. Principe patriarcal, donc.
Mener les batailles au bon endroit
Pourquoi un homme devrait-il travailler une année de plus qu’une femme? Une femme cadre cesse de contribuer à la caisse de compensation à 64 ans alors qu’un homme ouvrier doit travailler jusqu’à 65 ans? Rétablir l’égalité sur ce terrain est juste et indispensable pour les générations futures, alors que l’égalité des droits entre les genres est aujourd’hui acquise en Suisse. Il faut plus de places dans les crèches (cela concerne aussi les jeunes pères!), poursuivre la réforme de la prévoyance professionnelle pour mieux protéger les temps partiels et mener toutes les batailles nécessaires face aux mentalités attardées et aux salaires inéquitables. Mais ne pas offrir à nos enfants le cadeau empoisonné d’une AVS dans le rouge à cause d’une lutte anachronique menée par une partie de la gauche.
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