Révolution de Palais
Beaucoup de bruit pour rien
Chaque mardi,le conseiller national PLR vaudois décrypte la campagne, vue du Palais fédéral avec les élus sortants
C’est une révolution au Palais: on n’a plus le droit de téléphoner pendant les débats. Un truc de fou. Car oui, Madame, ça se faisait. Assis, debout, en marchant, devant la présidente des Suisses, pendant qu’elle parle… partout, tout le temps. Même pendant les votes. Scène vue sous la coupole au printemps dernier: une collègue refait le monde au téléphone, et s’interrompt soudain. «Attends, bouge pas, je dois voter.» Moment de tension, le geste requiert deux mains libres. Elle pose donc son téléphone. Trois secondes. «Voilà… Ça, c’est fait… Alors, je te disais…» C’est agaçant, tous ces votes.
Le genre de truc qui peut énerver un président de parlement (pas les votes, le téléphone). Du coup, il a mis les choses au point lundi dernier. Dans son discours d’ouverture de session, avant de louer les beautés de la démocratie parlementaire, il a demandé qu’on la respecte un chouïa. Le Bureau a ainsi pris la décision «historique» d’interdire dans la salle du Conseil: 1) les téléphones; 2) les cris; 3) les meetings. Il y eut quelques secondes de silence. Sous le choc, nous imaginions avec effroi des débats calmes.
Heureusement, ça n’a pas duré. Nous sommes en campagne, tous les appels sont forcément urgents, toutes les séances indispensables. Le chaos est donc permis. Et de toute manière à ma droite, quand il s’agit d’asile, on ne parle pas, on crie. Du coup, mercredi, le président s’est fâché. Et – fait rarissime – il a tapé sur les doigts d’un petit camarade en plénum. «Monsieur Giezendanner, ça suffit! Je vous entends jusqu’ici depuis le début de la matinée!» Résultat: Monsieur Giezendanner… a éclaté de rire. Et le parlement est reparti en vrille.
En fin de semaine, il faisait de la peine, le président. Jeudi vers 8h30, devant l’agitation générale, il suppliait: «C’était bien en début de semaine, non? Vous pensez qu’on peut retrouver un peu de sérénité?» La réponse est non. On peut toujours essayer de jouer au Roi du silence, comme avec mes enfants. Le site Jeuxetcompagnie.fr le recommande «quand la fatigue et l’énervement de la journée se font sentir». C’est bon pour nous, ça. Le site précise même: «Conseillé à partir de 6 ans, mais on peut très bien mettre dans la ronde des plus petits en leur donnant un avantage.» Tout bon pour nous, je vous dis.
Soyons réalistes, le parlement ne va pas se calmer. Rien ne va marcher, ni jeux, ni menaces. Nous sommes en campagne, donc incontrôlables. Le président pourra toujours s’énerver: l’abonné mobile désiré ne peut pas être atteint pour le moment.
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