Cependant, ces mouvements ont tendance à se concentrer uniquement sur les problèmes, slogans et images fortes à l’appui, avec un langage sans concession. «Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime pour l’humanité!» martèlent les militants. Je pense qu’on irait plus vite, maintenant que les problèmes sont connus, si les manifestants exigeaient plutôt la mise en place de solutions, puisqu’il y en a. Ne parler que des problèmes amène de l’angoisse, un sentiment d’impuissance, et mène souvent, paradoxalement, à l’inaction.
Lire aussi: Grève du climat: «On ne va pas continuer à manifester pendant encore dix ans»
Au-delà du «solutionnisme technophile»
La fondation Solar Impulse a proposé à un des groupes de la Grève pour le climat de participer à sa manifestation afin de porter ensemble des solutions. Les organisateurs nous ont répondu qu’ils ne souhaitaient pas promouvoir de technologies. A leurs yeux, nous étions trop orientés dans cette voie, alors qu’eux revendiquent le low-tech, la décroissance. J’ai aussi reçu un message sur Twitter qui dit: «Plus aucun écologiste n’utilise le mot solution.» Et, lors d’un débat radiodiffusé, un autre activiste m’a affirmé: «Vous donnez de l’espoir en parlant de solutions, alors il n’y a que des problèmes.»
Je suis d’accord que le «solutionnisme technophile» est dangereux. L’obsession de mettre en place dans le futur des technologies magiques qui n’existent pas encore aujourd’hui, en croyant qu’elles vont résoudre la situation, amène à attendre demain plutôt qu’à agir aujourd’hui. Il est inacceptable d’espérer que des solutions nouvelles, comme la capture du carbone, nous permettent de continuer à émettre tout le CO2 qu’on veut. Pire encore, certains mettent leurs espoirs dans la géo-ingénierie, qui consiste notamment à saupoudrer de nanoparticules les hautes couches de l’atmosphère, afin de réfléchir davantage les rayons du soleil et ainsi refroidir l’atmosphère. Cela revient à déséquilibrer deux fois la nature, en refroidissant l’atmosphère pour compenser l’effet du réchauffement que nous avons généré nous-mêmes. Il s’agit là de méthodes d’apprenti sorcier, et heureusement que peu de gens les soutiennent.
Un regrettable malentendu
Les mouvements de contestation actuels entretiennent sous cet angle un regrettable malentendu. Evacuer la notion même de solution nous dissuade d’utiliser toutes les techniques qui existent déjà et qui, souvent, sont issues du simple bon sens. Les énergies renouvelables, qui sont devenues moins chères que les ressources fossiles, la rénovation des bâtiments, les chauffages efficients grâce aux pompes à chaleur, le recyclage des déchets, la récupération de chaleur perdue ou encore les processus d’économie circulaire ne sont que quelques exemples.
Nous avancerons beaucoup plus vite en nous libérant d’attitudes extrêmes, en refusant autant la contestation pure et simple que le solutionnisme technologique à outrance, pour encourager les solutions techniques qui existent aujourd’hui et qui font leurs preuves. La voix des jeunes est fondamentale, les manifestations populaires également, mais leur message serait plus efficace en scandant: «Solutions, solutions!»