BNS: un jour si particulier...
Le geste de la BNS défie frontalement la logique de marchés financiers
Editorial
BNS, un jour si particulier…
Tiendront-ils? C’est la question qui va hanter nos nuits. Elles seront longues et agitées. On mesure aujourd’hui l’ampleur de la crise monétaire à laquelle nous ne pou- vions plus échapper et qui, de jour en jour, se transforme peu à peu en déroute économique majeure. La Banque nationale suisse (BNS) avait laissé entendre qu’elle pourrait utiliser des armes de dernière extrémité pour contrer une appréciation de la devise helvétique mais rares étaient ceux qui pensaient que nous étions si proches du jour «J», de ce moment particulier où la politique monétaire traditionnelle est mise entre parenthèses pour se concentrer sur un objectif de cours que tout banquier central craint de fixer unilatéralement, tant les risques de se tromper sont grands et se paient cash.
Le geste de la BNS défie frontalement la logique de marchés financiers qui cherchent refuge pour se protéger d’une zone euro proche de l’implosion et d’un dollar plombé par des montagnes de dettes et déficits. La BNS a jugé, à raison, que la zone euro et l’économie américaine n’offrent, à moyen terme, plus aucune assurance de retrouver un semblant de stabilité. Pour les entreprises d’exportation, l’appréciation du franc devenait insupportable et mortelle, tant elle est rapide et brutale. Après l’injection de liquidités et des taux négatifs, la BNS choisit l’arme des changes, mesure orthodoxe et bien moins controversée politiquement qu’un arrimage à l’euro dans un pays où tout transfert de souveraineté déclenche les passions politiques. Mais de fait, nous voilà liés un peu plus, pour le meilleur et pour le pire, à la zone euro, sans l’aide apparemment de la Banque centrale européenne qui prend acte, poliment, de notre problème mais nous renvoie un premier signal clair. Nous sommes seuls contre tous, contre des marchés qui testeront notre détermination et ne céderont pas facilement. Nul ne peut prédire l’issue de ce bras de fer où la défiance vis-à-vis des monnaies de grandes économies s’oppose à la confiance absolue dans la devise d’un petit pays en bonne santé financière, stable et prévisible.
Sans doute, la BNS devait-elle prendre le risque et rien n’indique qu’elle échouera a priori. Elle sait aussi que l’échec peut se matérialiser plus tard par l’inflation et un risque de bulle spéculative. Bien sûr, d’autres armes non orthodoxes peuvent encore être tentées mais chacun devine aujourd’hui que les mailles du filet pour protéger l’économie suisse de la récession seront de plus en plus grandes et difficiles à resserrer. Tôt ou tard, les marchés finiront par se calmer. Ils resteront maîtres du jeu, tant qu’ils n’auront pas anticipé la sortie d’une crise financière qui durera aussi longtemps que des décisions courageuses d’assainissement seront différées aux calendes grecques. C’est le prix de la confiance. Nous en sommes les victimes collatérales.