Au bonheur des riches
OPINION. Le gonflement des fortunes dans l’iniquité se mesure partout, quel que soit le régime politique, observe Alain Campiotti
J’ai 6 francs au fond de ma poche. Devant la gare, une jeune femme inquiète me dit qu’elle ratera son train si elle ne trouve pas à l’instant les 3 francs qui lui manquent. Elle a un bon sourire, je la crois à moitié, je lui donne ce qu’elle demande. Est-ce bien, est-ce stupide? MacKenzie Scott ne se pose pas la question. Elle a décidé sans se torturer de donner la moitié de ce qu’elle possède: 30 milliards de dollars sur 60. Pas facile. Elle en est à 6 milliards, distribués à des collèges et à de petites universités aux Etats-Unis, à des associations, également, qui aident les démunis victimes de diverses manières de la pandémie.
Bon, d’accord, je ne suis pas à plaindre. Je ne suis quand même pas un pauvre Rom qu’on mettrait cinq jours en tôle parce qu’il ne peut pas payer une amende pour mendicité. Il me reste davantage que 3 francs en poche. Aucun ressentiment, donc, c’était juste pour la symétrie. Pour donner une vignette de l’inégalité abyssale qui traverse désormais toutes les sociétés humaines, et menace peut-être – mais est-ce bien sûr? – de les déstabiliser.