L’autre spécialité de la Suisse dans ce domaine est la représentation des intérêts diplomatiques d’un pays dans un autre en cas de rupture de leurs relations. Elle a acquis de l’expérience dans cette activité pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit principalement de gérer des biens immobiliers – souvent l’ambassade du pays représenté –, verser des pensions, accomplir des tâches administratives pour le compte de l’Etat représenté. Rares sont les cas où le mandat comporte un élément politique, qui peut aller du simple échange de messages à la négociation au nom de l’Etat représenté, par exemple pour ce qui est de l’échange de prisonniers. C’est le propre du mandat confié par les Etats-Unis à la Suisse en Iran depuis 1980.
On a parfois l’impression que ce mandat est une fin en soi: il permet à la Suisse d’entretenir des contacts à haut niveau au Département d’Etat et à la Maison-Blanche ainsi qu’à Téhéran, alors que la défense des seuls intérêts suisses ne donnerait pas le même accès à nos diplomates auprès des dirigeants de ces pays. Mais quelle influence la Suisse exerce-t-elle réellement sur le rapprochement entre ces deux pays ou sur la politique des droits de l’homme en Iran? Le mandat paralyse la politique étrangère de la Suisse, qui doit mesurer ses interventions de crainte qu’il ne lui soit retiré: c’est ce qui s’est passé il y a quinze ans, quand les Etats-Unis ont manifesté leur mécontentement face aux initiatives prises par la Suisse dans le secteur du nucléaire iranien. Aujourd’hui encore, nous n’osons pas nous exprimer publiquement sur les exactions commises par le régime des mollahs. Si encore la Suisse avait l’exclusivité des contacts entre l’Iran et les Etats-Unis! Loin de là! C’est Oman qui a permis de dégager la piste des pourparlers en vue de l’accord nucléaire de 1995, avant qu’il ne soit négocié en Suisse, puis signé à Vienne. C’est le Qatar qui gère aujourd’hui de délicats échanges relatifs à la libération d’otages irano-américains, selon le Financial Times.
Dans le débat sur la neutralité, qui va se poursuivre sans doute jusqu’au vote sur l’initiative populaire de Pro Suisse, il faudra bien traiter de la place réelle et de la valeur des bons offices que la Suisse est censée prodiguer urbi et orbi. Il conviendra de démystifier ce qui paraît le plus souvent servir d’alibi ou de prétexte à la passivité associée à la politique de neutralité des autorités.