Acte VIII des «gilets jaunes». Vêtu de noir, un homme assène des coups droits à des CRS armés de boucliers, en plein centre de Paris. La vidéo a tourné en boucle sur les réseaux ce week-end. Pour certains manifestants, le «boxeur de gendarmes» est un héros; pour un large pan de l’opinion, l’expression d’une violence incontrôlable. Rapidement identifié, le dénommé Christopher Dettinger, aussi surnommé le «Gitan de Massy», a été placé en garde à vue lundi matin. Ce qui n’empêche pas les théories du complot de fleurir.

De la vidéo virale à l’analyse farfelue, il n’y a qu’un pas. Certains voudraient ainsi voir en lui un policier infiltré, engagé par les autorités pour saper l’image du mouvement contestataire. D’autant plus que le même jour, un autre policier s’est lui aussi rendu coupable de violences en marge d’une manifestation à Toulon. «Pas tout de suite l’arrestation du boxeur car c’est le contre-feu imaginé par #macron afin de taire les violences contre manifestants commises par #Andrieux commandant de police à Toulon», affirme @DOMINIQUEJAMAIS. «Un boxeur dans chaque camp, ils auraient dû les mettre sur un ring», renchérit un internaute. Et le débat s’enfonce dans une logique «œil pour œil, dent pour dent».

«Logique de guerre»

«Je suis consterné d’observer que personne n’arrive à penser en même temps la violence contre la police (le boxeur de Paris) et la violence de la police (Toulon). Chacun semble défendre son camp et ignorer l’autre. Logique de guerre», déplore le journaliste @jdomerchet. «Mettre sur le même plan quelques débordements policiers, qui ont par ailleurs un comportement exemplaire, et la violence systématique qui émaille les manifs des #GiletsJaunes c’est cautionner ces violences», estime quant à lui l’éditorialiste de Sud-Ouest @DiveBruno.

En marge de l’événement, un âpre combat se joue sur Wikipédia, où la fiche de Christopher Dettinger a rapidement été actualisée. Et l’antisémitisme guette ceux qui se montreraient critiques. Pierre Haski, président de Reporters sans frontières, en a fait l’amère expérience. «Pour avoir tweeté hier la page Wikipédia du boxeur de la passerelle Senghor, je suis dénoncé ce matin comme «presse juive» par un site qui en fait un «demi-dieu», et proclame sans fard: «aujourd’hui, Hitler c’est le minimum». Je croyais qu’il y avait des lois en France?» dénonce @pierrehaski.

L’auteur de ces propos? Le site Démocratie participative, qui se revendique comme le «premier site d’information des «gilets jaunes». Il avait déjà été bloqué en France en février 2018 à cause de ses publications racistes. Sans surprise, le portail relaie une vidéo de deux minutes et demie, tournée par Christophe Dettinger dimanche soir avant qu’il ne se rende à la police et qui comptabilise plus de 140 000 vues.

«J’ai fait toutes les manifestations à Paris, j’ai vu la répression, j’ai vu la police nous gazer, faire mal à des gens», affirme celui qui se revendique comme un «citoyen normal», ni d’extrême droite ni d’extrême gauche, mais «porte-parole de la colère du peuple». «Oui j’ai mal réagi, mais je me suis défendu», clame encore, au bord des larmes, l’ex-boxeur professionnel qui n’a plus de licence depuis 2013.

«La violence est l'arme des faibles»  

Sur Twitter, ses explications n’apaisent pas la fracture qui continue de s’ouvrir. «Il ne saurait y avoir d’explication, la violence est l’arme des faibles; la violence = un délit et perpétrée sur un agent de l’Etat en mission de service public, le cas en l’espèce = délit aggravé. #StopViolences», dénonce @AMilaOrriols. «Monsieur Dettinger, la France c’est vous, pas eux, vous êtes l’incarnation même de l’esprit chevaleresque, vous êtes notre champion, vous avez tout l’amour et le soutien du peuple français!» s’époumone en revanche @Martelvs2.

Les deux policiers blessés lors de l'altercation ont porté plainte. Christophe Dettinger encourt jusqu’à 5 ans de prison. Une «cagnotte officielle» a été lancée sur le site leetchi.com. Lundi en fin d'après-midi, elle comptabilisait plus de 32 000 euros de dons. 

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