«Frappe tes alliés et capitule devant tes ennemis.» Telle pourrait être la devise commerciale de Donald Trump. Le meilleur «dealmaker» de l’histoire du monde, comme il se décrit lui-même, soigne les alliés traditionnels des Etats-Unis: taxes sur l’acier et l’aluminium européens au nom de la «sécurité nationale»; menaces de sanctions envers les entreprises européennes actives en Iran; attaque contre l’accord de libre-échange avec le Mexique et le Canada; pressions sur la Corée du Sud et le Japon, etc. Au nom de «l’Amérique d’abord», Donald Trump se montre intransigeant envers les tenants d’un ordre libéral et ouvert.

Deal avec la Chine

A l’inverse, Donald Trump promettait de faire rendre gorge aux industries chinoises qui contribuent à creuser un déficit commercial abyssal avec les Etats-Unis. Résultat? Jeudi, le président signait un deal avec Pékin pour sauver ZTE, géant chinois des télécommunications menacé par des sanctions américaines pour avoir violé un embargo sur l’Iran et la Corée du Nord voté par le Congrès. Vous vous souvenez de l’amende infligée à BNP Paribas pour les mêmes raisons, en 2014: 9 milliards de dollars. Pour ZTE, Trump s’est arrangé avec la Chine pour un montant de 1 milliard. Est-ce le financement chinois d’un projet immobilier en Indonésie auquel la famille Trump est associée qui a fait la différence? Ou alors l’accès facilité au marché chinois pour les produits d’Ivanka Trump, la fille du président? Les vagues promesses de Pékin de rééquilibrer les échanges n’apportent en tout cas rien de nouveau au bras de fer sino-américain.

S’il était logique d’exclure la Russie du G8, il serait tout aussi normal d’écarter les Etats-Unis du G7

«Punis les démocrates et flatte les autocrates.» Ce pourrait être la devise politique de Donald Trump. Pour passer un deal, il faut pouvoir traiter entre hommes, sans entraves inutiles: l’UE, l’ONU, l’OMC, tout accord multilatéral, toute procédure démocratique sont autant d’entraves à la bonne marche du deal, qui se négocie en bilatéral, au bluff. A l’inverse, avec un autocrate, le président se sent en ligne directe, comme entre partenaires de poker, capables de prendre des décisions rapides, d’établir une connexion émotionnelle, libre de casser les codes. Il est donc logique que Donald Trump ait proposé que la Russie réintègre le G7 – dont elle a été suspendue après l’annexion de la Crimée – alors qu’il s’envolait pour le Canada prendre part au sommet du groupe.

Front avec l’Europe

Le G7: voilà des années que se pose la question de l’utilité d’un tel rendez-vous instauré en 1975 par la France et qui regroupait alors les plus grandes économies du monde afin d’harmoniser leur politique financière. Aujourd’hui, le G20 est bien plus représentatif et légitime. Restait la justification d’un club réunissant les grandes économies arrimées au multilatéralisme, aux valeurs démocratiques et au libre-échange. Selon ce critère, il était logique d’exclure la Russie. Il serait tout aussi normal à présent que les Etats-Unis en soient écartés.

A la veille de ce sommet, on a beaucoup parlé d’un G6 faisant front à Donald Trump. Il faudrait plutôt parler d’un G7 moins un, les Etats-Unis se mettant d’eux-mêmes hors jeu. Mais peut-on parler de front? Le Japon d’Abe reste prudemment dans l’ombre de son protecteur américain en Asie. Les Européens avancent en pagaille: l’Italie de Giuseppe Conte semble plus proche de Washington que de Berlin ou Paris alors que le Royaume-Uni est paralysé par les affres du Brexit. Quant à l’Allemagne, elle joue le jeu de la résistance a minima, craignant la salve suivante: une taxation de son industrie automobile, ce qui serait une déclaration de guerre commerciale en bonne et due forme. Restent la France et le Canada, soutenus par l’UE. Assez pour tenir?

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