L'un des mythes fondateurs du rapport entre les sexes raconte qu'au début des temps, les femmes régnaient sur le monde. Les hommes s'inclinaient naturellement devant ces êtres détenteurs du pouvoir suprême: celui de générer d'autres êtres. Ils se croyaient exclus du processus de procréation et pensaient que les femmes étaient fécondées par la lune, la mer, les dieux. Un jour, ils découvrirent que, tout de même, ils y étaient pour quelque chose et ce fut le début des ennuis.
De ce petit quelque chose, les hommes, en effet, firent tout un plat. Leur obsession fut désormais de veiller à ce que leur semence, et pas celle d'un autre, germe dans le ventre de leur compagne. Ils enfermèrent les femmes, les mutilèrent, les voilèrent et se déclarèrent maîtres du monde. C'était une manière de conjurer leur angoisse, mais aussi de se venger de ce que leur rôle dans la procréation restait secondaire, interchangeable.
Une bonne partie de nos malheurs viennent, en somme, de ce que les humains n'ont pas seulement une mère, mais aussi un père. L'actrice américaine Angelina Jolie l'a bien compris. Dans une interview à Paris-Match, elle raconte qu'elle vient d'adopter un petit Cambodgien, qu'elle en veut d'autres de toutes les couleurs (à sa place, je resterais dans les tons mats, qui lui vont mieux au teint), et qu'elle n'envisage pas de vivre à nouveau avec un homme. Plus précisément: Angelina Jolie n'envisage pas de vivre avec un homme «parce qu»'elle veut beaucoup d'enfants: «Je ne veux pas les troubler», explique-t-elle. C'est vrai, ça, pourquoi leur donner un père? C'est troublant un père, c'est plein de poils, ça empêche les mamans de dormir avec leur petit. Exit l'empêcheur de tourner en rond. Et l'actrice de dessiner le nouvel horizon de la femme du XXIe siècle: «Mes relations avec les hommes et ma vie de famille seront séparées.»
Bon. Mais l'adoption, voire l'insémination artificielle restent des réponses imparfaites au défaut de fabrication de base de l'humanité, qui est la procréation sexuée. Son idéal de perfection, c'est la reproduction virginale. Or, nous y sommes presque. Les avancées de la science renouent avec les mythes fondateurs: au Japon, issu de deux femelles, vient de naître le premier mammifère sans père.
C'est un grand jour, mes sœurs. Mieux que le clone (condamné à l'appauvrissement génétique), la souris Kaguya donne corps au fantasme féminin absolu, celui d'un monde complètement débarrassé des pères, voire des hommes tout court. Enfin la paix. Tout est tellement plus simple sans les mecs.
C'est tentant. Personnellement, j'ai une archaïque attirance pour la complexité et la différence qui m'empêche d'adhérer à ce projet d'homme nouveau – pardon, de femme nouvelle. Et puis, j'ai une question bête à Angelina Jolie: elle, elle a plein de bonnes, d'accord. Mais, dans son monde idéal, pendant que je suis au cinéma avec les copines, qui est-ce qui garde les enfants?
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