La 76e édition du Festival de Cannes se déroule du 16 au 27 mai. Chaque fin de journée, retrouvez la chronique quotidienne de notre envoyé spécial.

Chroniques précédentes:

Si de nombreuses maisons de production essentielles dans la défense du cinéma d’auteur restent discrètes, une nouvelle société n’est pas passée inaperçue avec un film qui a beaucoup fait parler de lui alors même qu’il ne s’agit que d’un court métrage présenté hors compétition. Mais il faut dire que Strange Way of Life est un western gay, qu’il est signé Pedro Almodovar, et que son coproducteur, qui se lance avec cet impromptu dans le monde merveilleux du 7e art, n’est autre que la maison de haute couture Yves Saint Laurent.

Ce passage de la mode au cinéma a été initié par son directeur artistique Anthony Vaccarello, qui a également signé les costumes de ce petit film pop et queer dans lequel Ethan Hawke et Pedro Pascal incarnent deux cow-boys se retrouvant vingt-cinq ans après avoir passé une nuit torride… C’est une phrase prononcée dans le bouleversant Brokeback Mountain d’Ang Lee qui a inspiré au cinéaste espagnol ce court métrage: «Qu’est-ce que peuvent bien faire deux hommes dans un ranch?»

Rencontre avec Pedro Almodóvar: «La fiction se mélange toujours à la réalité»

Ce samedi, c’est une plateforme qui s’est offerte sur la Croisette un joli coup de pub. Venu à la rescousse des vénérables studios Paramount, Apple TV a permis au grand Martin Scorsese de boucler le financement de l’imposant et ambitieux Killers of the Flower Moon. Si le Festival de Cannes avait souhaité que le film figure en compétition, puisque la société de streaming a décidé de l’exploiter en salle, condition sine qua non pour être en lice pour la Palme d’or, c’est finalement hors compétition que ce film-fleuve de près de 3h30 a été dévoilé. Mais l’événement était de taille, le réalisateur de Taxi Driver, qui lui a valu la Palme d’or en 1976, n’ayant plus présenté de film à Cannes depuis After Hours en 1986.

Sur le précédent film du réalisateur: Scorsese fait ses derniers pas dans la mafia avec «The Irishman»

Longuement ovationné en séance de gala, Killers of the Flower Moon est un grand film à plus d’un titre. Tout d’abord, il réunit les deux acteurs fétiches du New-Yorkais, Robert De Niro et Leonardo DiCaprio. La confrontation entre les deux acteurs – qui incarnent merveilleusement des sales types – culmine d’ailleurs lorsque «Bob» demande à «Leo» de se pencher en avant pour le fesser sévèrement avec une latte. Ensuite, sa longue durée permet à Scorsese de construire un récit qui prend son temps, avance en mode mineur avant de peu à peu prendre de l’ampleur pour finalement se profiler comme une grande saga shakespearienne. Car l’histoire, enfin, est tragique et symptomatique de la manière dont les colons blancs ont traité les Amérindiens.

Dossier: tous nos articles sur le Festival de Cannes

Elle se déroule dans l’Oklahoma des années 1920. Grâce à la découverte sur leurs terres de puits de pétrole, les Osages étaient alors devenus plus riches que les Blancs, avant qu’une vague de meurtres, mais jamais qualifiés comme tels par les autorités locales avant que le FBI ne s’en mêle, ne les décime peu à peu. En fin de film, c’est Martin Scorsese qui apparaîtra dans un petit rôle pour rappeler qu’il ne faut pas oublier la tragédie du comté d’Osage, et donc plus généralement le génocide indien. Le film sortira en octobre, et il sera alors temps de le célébrer comme un des grands films de l’année.

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.