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CarPostal et La Poste, un lien de plus en plus ténu

EDITORIAL. Vingt ans après la séparation des ex-PTT en deux entités distinctes, le moment est venu de s’interroger sur une nouvelle mise à jour de La Poste

CarPostal semble de plus en plus être un corps étranger au sein du groupe postal. — © Jean-Christophe Bott/KEYSTONE
CarPostal semble de plus en plus être un corps étranger au sein du groupe postal. — © Jean-Christophe Bott/KEYSTONE

La lecture du rapport d’enquête interne sur l’affaire CarPostal confirme ce que l’on supposait depuis qu’elle a éclaté en février: les dirigeants de l’autocariste jaune n’en seraient peut-être pas arrivés à commettre de tels manquements s’ils n’avaient été confrontés à un insoluble conflit d’intérêts. D’un côté, le Conseil fédéral attend de La Poste et de ses différentes divisions qu’elles dégagent des bénéfices, histoire de verser à la caisse fédérale un coquet dividende de 200 millions de francs par an.

De l’autre, la Confédération dit qu’il est interdit de faire du bénéfice dans le secteur subventionné du transport régional de voyageurs. Pourtant, la loi qui régit cette activité précise que les éventuels bénéfices qui seraient malgré tout réalisés dans ce domaine doivent être utilisés pour constituer des réserves en vue de pertes futures. Ce qui signifie qu’on peut en faire quand même. Diantre!

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Le rapport d’enquête confirme que cette incohérence a été soulevée à plusieurs reprises dès 2012 et que la restructuration de CarPostal prévue en 2016 avait pour but de résoudre cette impossible équation. Pas en mettant un terme à l’encaissement de bénéfices illicites. Au contraire, cette réforme avait pour but de «légaliser les bénéfices manipulés» en leur donnant l’assise juridique qui leur manquait, estiment les experts externes. CarPostal n’avait donc nullement l’intention de changer de politique. Quoi qu’il en soit, le résultat est là. De 2007 à 2015, la filiale de La Poste a encaissé indûment 90 millions sur le dos des collectivités publiques, somme à laquelle il faut sans doute ajouter d’autres millions pour 2016 et 2017.

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L’affaire coûte leur place à tous les membres de la direction de CarPostal, à la directrice générale de La Poste, Susanne Ruoff, et à l’administrateur Adriano Vassalli, qui, au sein du conseil, avait la responsabilité des tâches d’audit et de compliance. Ces conséquences personnelles étaient devenues inévitables. Le conseil d’administration et Doris Leuthard annoncent un catalogue de mesures pour éviter qu’une telle affaire ne se reproduise. La restructuration initialement envisagée pour 2016 est abandonnée. Des audits – des entreprises de la Confédération et de l’Office fédéral des transports – sont ordonnés. La loi sur le transport de voyageurs sera révisée. Fort bien.

Mais il y a d’autres questions à se poser. Vingt ans après la séparation des ex-PTT, La Poste ne devrait-elle pas subir une nouvelle cure de jouvence? Plus que jamais, CarPostal semble être un corps étranger au sein du groupe postal. Le lien historique entre le transporteur et la maison mère devient de plus en plus ténu et problématique, comme le démontre ce fameux conflit d’intérêts. Ce lien se réduit de plus en plus à la couleur jaune. Le moment n’est-il pas venu d’envisager l’autonomisation du transport par car, voire sa reprise par un autre opérateur? A l’heure de l’arrivée en Suisse de bus longue distance, la question est plus que justifiée.