Espagne
Divisée, agressive, choquée, la presse espagnole illustre la fracture qui traverse le pays au lendemain du référendum d’indépendance interdit par Madrid

Au lendemain d’une journée de votation chaotique, l’Espagne se réveille sonnée, plus divisée que jamais. Dans la presse, les positions tranchées des éditorialistes reflètent la fracture profonde entre indépendantistes et partisans de l’unité. Alors que les autorités catalanes revendiquent 90% de oui au référendum, le premier ministre Mariano Rajoy soutient que ce dernier n’a pas eu lieu. A l’arrivée, la guerre fratricide débouche sur le match nul attendu. «Sunday bloody sunday», murmurent les internautes. Et maintenant? (#AhoraQué)
A Madrid, le ton est cinglant. «Le gouvernement empêche par la force le référendum illégal», titre le quotidien El Pais, avant de condamner, dans son éditorial, «l’arrogance xénophobe» de Carles Puigdemont qui a obligé les Catalans à vivre une «journée honteuse». Si «aucun des deux camps ne sort gagnant, les coupables principaux restent le président de la Generalitat et la présidente du parlement catalan», poursuit le plus grand journal du pays.
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«Le référendum raté laisse l’Espagne meurtrie», tonne le quotidien madrilène ABC alors qu’El Mundo choisit quant à lui de saluer le «travail exemplaire de la police», incarnation du «pouvoir et de la raison démocratique». «Fermeté face au coup d’Etat», assène également le très conservateur La Razon. En Andalousie, le journal de Séville et celui de Cadiz chargent eux aussi la Catalogne qui «aggrave la crise». Une Catalogne «coupée en deux après un 1er octobre grotesque», tance encore le quotidien galicien La Region.
Les Basques partagés
Autre son de cloche à l’extrême est du pays où les journaux catalans dénoncent unanimement la violence de Madrid. «Le gouvernement réprime le 1er octobre», titre La Vanguardia, édité en espagnol et en catalan, avant d’évoquer les «844 personnes blessées sous la charge policière». «Insurrection», harangue même le quotidien de centre gauche El Periodico, dénonçant une «répression intolérable». Le site internet catalan ara.cat oppose, lui, «brutalité policière» et «dignité d’un peuple». Malgré sa couverture illustrant des manifestants à terre, le quotidien El punt avui qualifie le référendum de «pas de géant».
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Au pays basque, où les velléités autonomistes restent vivaces, les éditorialistes sont partagés. «La Catalogne nécessite dialogue et accord après la fracture du 1er octobre», titre El diario vasco. Beaucoup plus tranché, Deia, qualifie quant à lui le référendum de «farce», derrière lequel «Carles Puigdemond se retranche pour arracher l’indépendance». Alors que certains craignent un «risque de contagion», le président Iñigo Urkullu a appelé Madrid à «abandonner l’intimidation et la voie pénale» pour résoudre le conflit catalan.
«Absurdités et irrégularités»
Alors qu’une grève générale est annoncée pour demain mardi, le 1er octobre (1-O) est déjà une date historique. Sur les réseaux, un flot ininterrompu de commentaires dit tour à tour la détresse, la détermination, la condamnation, mais surtout l’impuissance. Alors que certains agitent les fantômes du franquisme, d’autres invoquent les lumières d’Albert Einstein, selon qui «la paix ne peut se maintenir par la force».
«Ni oubli, ni pardon»
«Tristesse et incertitude, lâche @inessaavedra_tw. Dimanche a été une absurdité avec des irrégularités des deux côtés.» «#AhoraQué? Les coups dans le froid. Ni oubli, ni pardon», tance quant à lui @Luk_anikos. Face à la crise, nombre d’internautes accusent les autorités.
#ahoraque ??
— Luk Anikos🐾 (@Luk_anikos) 2 octobre 2017
Ahora duelen los golpes. En frío.
Ni olvido ni perdón
A l’instar de @FatiMolas qui s’estime prise en tenailles entre «un président qui ne fait rien et un autre qui fait plus que ce qui lui est permis». @almahumana1, lui, ne lâche rien: «Que les Catalans votent leur indépendance, mais le reste de l’Espagne votera les conditions.»
Un presidente que no hace NADA y otro que hace más de lo que le está permitido hacer!!! #MarcaEspaña #Catalunya #ReferendumCatalan
— M u k i s ® (@FatiMolas) 2 octobre 2017
Le jour d’après (#Eldiadespues), les Espagnols, Catalans ou Madrilènes, sont plus que jamais dans l’impasse.
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