La Chine m’a rendu invisible
OPINION. Le pouvoir communiste chinois peut invisibiliser, voire réécrire l’histoire de Hongkong, il ne peut pas changer ce qui a existé, veut croire Chris Patten, le dernier gouverneur britannique d’avant la rétrocession, en 1999
Je viens de découvrir que je n’ai jamais vraiment existé, du moins aux yeux de voyous du Parti communiste chinois. Dans leur dernier effort en date pour transformer Hongkong en un Etat policier – et ça ne peut être qu’une question de temps avant qu’une bombe lacrymogène ou un taser ne remplace la fleur de bauhinia comme emblème de la ville – les autorités chinoises ont pris de nouvelles mesures pour étrangler le système éducatif. Pour les communistes, l’éducation est avant tout une affaire d’ingénierie de l’âme. Le PCC s’est donc débarrassé de tous les manuels scolaires susceptibles de dire la vérité sur le passé de Hongkong et ses aspirations. Le PCC est même allé jusqu’à nier que Hongkong ait jamais été une colonie britannique; c’était simplement un territoire occupé, apparemment.
Pas de colonie signifie pas de gouverneur, poste que j’ai occupé de 1992 jusqu’à la rétrocession de Hongkong à la Chine cinq ans plus tard. Lorsque j’ai quitté Hongkong, j’ai noté que personne, à la fin du XXe siècle, ne voudrait justifier la domination coloniale. Mais on ne peut nier qu’elle a existé à Hongkong à partir des années 1840, le Royaume-Uni ayant acquis une partie du territoire par le biais de subventions et une autre partie sur la base d’un bail de 99 ans. Le nouveau directeur général de la ville, John Lee, le sait parfaitement. Il a été officier de police sous les ordres de gouverneurs coloniaux britanniques comme moi et a dû prêter serment au gouvernement de la colonie.