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La chronique. Démocraties à la peine

La chronique.

Les temps sont rudes pour la démocratie. En France, en Italie et en Grande-Bretagne comme en Suisse, les attelages gouvernementaux suent, soufflent et sont rendus. Le vent du populisme tire profit de difficultés qu'il a, en partie, provoquées. Il décoiffe la droite libérale, emporte des pans de la gauche et gonfle les biceps des nazillons.

Douce France, pauvre France! L'incendie des banlieues à peine calmé sinon maîtrisé et le CPE enseveli sans honneurs, voici le fringant premier ministre qui chute en vrille, entraînant derrière lui le président de la République. Le candidat Nicolas Sarkozy ne se gêne pas de draguer la droite extrême alors que les muscadins de la gauche se ridiculisent à canarder Ségolène Royal. L'orgueilleuse Ve République, née dans les déchirements de la guerre d'Algérie, a piteuse figure.

Silvio Berlusconi quittant enfin la scène, les Italiens ne sont pas pour autant sortis de l'auberge. Ils ont donné une preuve éclatante de tonicité civique en allant en masse aux urnes. Le résultat traduit cependant leur hésitation à confier à une coalition fragile comme une mosaïque romaine la tâche ingrate de succéder à un dangereux jean-foutre.

La leçon n'est pas encore tirée d'une nation livrée aux abus et caprices d'un histrion ivre de pouvoir.

L'octogénaire souveraine britannique, qui en a vu tant, ne pleurera pas le départ de Tony Blair, premier ministre qu'elle appréciait peu. Talonné par les scandales, l'homme qui a installé le socialisme dans un meublé globaliste et accouplé la remorque anglaise au camion américain, a perdu son aura. En neuf ans de séjour au 10 Downing Street, il a déployé une telle virtuosité dans la manipulation de l'opinion publique que celle-ci est éberluée d'avoir été si longtemps chloroformée par les spin doctors.

Pourquoi la crise qui mine ces proches épargnerait-elle la Suisse, considérée naguère comme une démocratie témoin par un observateur assez choyé pour être bienveillant? L'entrée au gouvernement fédéral, en 2003, du leader populiste zurichois a sonné la fin d'une époque. Quatre partis siègent encore dans la salle du Conseil fédéral mais la concordance l'a désertée. Le système est déglingué. Le collège, comme il est encore dérisoirement désigné, s'est transformé en ménagerie. Des rugissements, aboiements, glapissements, mugissements et miaulements traversent les épaisses parois du palais.

La démission inattendue du chef du Département de l'économie semble n'avoir d'autre cause qu'une lassitude exaspérée devant ce foirail. Comme les rats quittent le navire, Joseph Deiss a donné l'alarme. Son geste est, en effet, un avertissement aux centristes. Si les démo-chrétiens et les radicaux ne parviennent pas, alliés, à élever une digue contre le national-populisme, le pays risque gros d'un face-à-face entre socialistes et UDC.

Ne serait-il pas temps de se remémorer l'histoire des années 30 quand la bourgeoisie, apeurée, a cru se protéger en liant son sort aux partis de la haine?