La chronique. Mangeurs de chats!
Apeu près une fois par an, les médias alémaniques se font l'écho d'un
Apeu près une fois par an, les médias alémaniques se font l'écho d'un mythe très populaire: les disparitions mystérieuses de plus en plus nombreuses de chats. Aujourd'hui, la une du très sérieux Tages-Anzeiger évoque les pires spéculations: «Mutilés, mangés ou transformés en couverture anti-rhumatisme –, toujours plus de chats disparaissent mystérieusement.»
En lisant l'article, on se rend compte qu'il n'y a que deux faits véritablement établis, le reste n'étant que de la pure spéculation: premièrement, il y a de plus en plus de chats; deuxièmement, il y a de plus en plus de chats qui se font écraser par les voitures. Comme ces pauvres victimes de la circulation ne sont pas toujours tuées sur le coup, elles se traînent jusqu'à la prochaine cachette, souvent des endroits aussi «suspects» que des caves ou des écuries. Mais aucune preuve, aucun indice n'est avancé sur l'existence d'un ou plusieurs mystérieux sadiques. Il est établi en revanche que les peaux de chat n'ont aucun effet bénéfique sur les rhumatismes. Et si on admettait qu'il y ait vraiment des mangeurs de chats dans notre pays, comme le suggère le journal, de quelle nationalité pourraient-ils bien être? Et c'est là que l'histoire devient piquante. Dans la même édition du journal, on nous annonce qu'aujourd'hui en Suisse, on parle plus les langues de l'ex-Yougoslavie que le romanche, notre quatrième langue nationale. Et dans le long article sur la disparition des chats, la propriétaire de «Rambo», disparu depuis le mois d'octobre, n'hésite pas à exprimer le soupçon qu'il pourrait bien s'agir «d'hommes bizarres, de type tsigane ou yougoslave». Voilà ce que nous pensions depuis toujours, nous, les amis des bêtes qui n'auraient jamais l'idée de faire du mal ne serait-ce qu'à un escargot. Il n'y avait pas besoin de le dire: on parle de plus en plus le serbo-croate, et il y a de plus en plus de chats qui disparaissent. On a bien compris: les étrangers martyrisent nos chats, ils leur enlèvent la peau, puis ils les mangent! Je le répète, c'est un mythe, et c'est un mythe qui nous est cher; c'est pourquoi la story ne fera pas de scandale. Une autre histoire de chats disparus que ma tante m'a racontée il y a deux mois ferait bien plus de dégâts dans la bonne conscience des bons Suisses, si on la publiait à la une d'un de nos journaux: ma tante, une amie des bêtes comme toutes mes tantes, a pris l'habitude d'aller nourrir les six chats totalement amaigris d'un paysan (bien suisse) près de Lucerne, qui ne leur donnait strictement rien à manger. N'ont qu'à bouffer les souris! Pour la grande joie de ma tante, les chats se sont très bien développés. Mais un jour, ils ont disparu. Devinez pourquoi? Parce qu'ils avaient atteint un poids idéal pour leur consommation. C'est très simple. En Suisse, il y a de bonnes vieilles traditions qui ne se perdent pas. Et on n'a pas besoin des étrangers pour nous les rappeler ou les réintroduire.