Voilà quelques traits d'une vision. On en perçoit aussi les contradictions. Parler fort, c'est rapporter une action et un engagement à des convictions, à une perception de l'avenir. Parler vrai, c'est ne pas simplifier le discours et mettre les citoyens devant les contradictions et les difficultés. Prenons quelques exemples. Il faudrait utiliser moins d'énergies fossiles, et moins d'énergie nucléaire; les deux ayant leurs défauts et leurs limites programmées. Bon! mais en se privant, seule, d'énergies vitales, la Suisse se mettrait en infériorité économique. Le nucléaire ne pollue pas et, demain, un procédé de fusion résoudra, peut-être, le problème des déchets. Faire un choix drastique immédiat en fonction d'un avenir à moyen terme mal déterminable n'est guère possible. Prenons le fédéralisme. Les entités cantonales isolées sont dépassées. Mais certaines tâches sont à la portée des cantons, lesquels, malgré la mobilité croissante, sont porteurs d'histoire et d'identité. En revanche, la coopération étroite entre cantons, dans des cadres plus larges est devenue incontournable. Prenons l'Europe. Trop d'Helvètes ne ressentent pas à quel point l'Union européenne est une chance historique de paix, de prospérité, de civilisation pour l'Occident et le monde. Mais la singularité suisse a des aspects précieux; dont une culture démocratique qui nous oblige à ne pas mépriser les craintes de nombreux compatriotes. En tout état de cause, sans préjuger la suite, il faut défendre sans arrière-pensées les accords bilatéraux.
Finalement, on le voit, il y a la vision personnelle générale que l'on peut avoir, les contradictions que l'on ne doit pas cacher, le chemin caillouteux que l'on doit contribuer à faire parcourir, et les décisions immédiates qu'il faut contribuer à faire prendre, sans – il est vrai – perdre le long terme de vue. Bref, force de conviction et sens du relatif, goût des visions, voire même du rêve et conscience des contradictions, engagement et respect du débat démocratique, avec ses lenteurs: voilà qui constitue la politique. Le comprendre, c'est peut-être le secret d'une longue jeunesse en politique.