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La chronique. Mais de quoi rêvent-ils, ces voleurs?

Avouons-le: quand nous avons appris que le convoyeur de fonds et ancien

Avouons-le: quand nous avons appris que le convoyeur de fonds et ancien bodyguard Michael Felder avait réussi son coup en subtilisant 10 millions de francs lors d'un transfert de fonds vers la Banque nationale, nous avons tous entendu une petite voix intérieure qui disait: bravo, quand même! Felder a réussi son coup sans agression, sans effusion de sang, en se servant simplement des faiblesses de son chauffeur et de son patron. Tout en condamnant sévèrement l'acte, nous présumions qu'un type de cette trempe, qui avait si bien préparé son coup, devait aussi avoir pensé au long terme. Eh bien, non. J'ai été surpris, et presque déçu, d'apprendre les circonstances de son arrestation rapide. Nous constatons une fois de plus qu'il faut, semble-t-il, plus d'intelligence et d'énergie pour disparaître dans le paysage que pour ramasser le butin. A part cela, ce qui m'a le plus frappé dans l'histoire, c'est de voir comment un petit convoyeur de fonds s'imagine la «belle vie». Comme tout le monde, il a dû se dire au départ de son aventure: si j'avais des millions, j'en profiterais un maximum, ma vie sera bien différente, plus belle, ailleurs. Ce sont des rêves et des propos que l'on entend assez souvent. Qui n'a jamais pensé d'ailleurs qu'en cas de soudaine fortune, il serait certainement bien plus intelligent, créatif et généreux (avec nous-mêmes surtout) que tous ces riches assis sur leurs sous qui vivent ici, parmi nous, tranquillement, comme des petits-bourgeois et ne font strictement rien d'excitant de leur argent? Il faudrait mettre un paquet de 10 millions de francs dans les mains de quelques petits rêveurs comme vous et moi et voir ce qu'ils en font. Après réflexion, je pense que les plus intelligents parmi nous déposeraient le pognon dans un coffre à la banque, ne changeraient strictement rien à leurs habitudes et continueraient de rêver.

Nous savons ce que Michael Felder a fait: il a pris le train pour Hambourg, a fait monter deux prostituées et du champagne dans sa chambre d'hôtel et a passé une nuit à se faire câliner. S'il lisait le Tages Anzeiger, il saurait que ce genre de «belle vie», il peut la trouver dans l'un des nombreux salons des bords de la Limmat, dans un cadre bien plus chic, et à un prix bien inférieur (adapté à sa bourse de convoyeur), et surtout, il aurait pu, après une journée de débauche, rentrer tranquillement se reposer à la maison et retourner au travail le lendemain. Mais à quoi pensent-ils, ces voleurs? Les auteurs du hold-up des PTT à Zurich s'étaient déjà fait prendre de la même façon. Ils avaient réussi leur coup, mais pour quoi faire? Olé, olé, dans une station cheap au soleil, louer une Ferrari, boire des verres, se faire remarquer par la police. Cyniquement, on pourrait conclure qu'ils n'étaient décidément pas faits pour être riches, ces gens-là. Plus prosaïquement, on peut dire que leur histoire est vraiment faite pour décourager les futurs auteurs de casses.