La chronique. Raconte-moi une histoire!
Astrid Lindgren vient de mourir à l'âge de 94 ans. Cette grande dame de
Astrid Lindgren vient de mourir à l'âge de 94 ans. Cette grande dame de la littérature enfantine a commencé sa carrière au bord du lit de ses enfants, en leur inventant des histoires. Et quand les enfants lui ont demandé d'en raconter encore une, elle leur a posé la question que nous connaissons tous: mais quelle histoire? Un jour, l'une de ses filles lui a dit: raconte-nous Pipi Langstrumpf (Fifi Brindacier). Et c'est ainsi que la fille aux longues tresses rouges sortit de son imagination. La suite: un livre, 40 millions d'exemplaires vendus dans le monde, des films, des séries télévisées. Bien avant que Dany le Rouge devienne la figure emblématique de l'émancipation des étudiants, Pipi la Rouge est devenue une sorte de combattante avant la lettre pour les droits et les libertés des enfants, et surtout des filles. Cette succes story a donc trouvé son origine dans ce beau et souvent turbulent moment avant le coucher, où les enfants supplient les parents de raconter des histoires. Suivons l'exemple! Nous ne deviendrons certainement pas des auteurs à succès, mais ce moment au bord du lit de nos enfants est d'une très grande valeur. Il est déterminant pour nos enfants et notre relation avec eux. Mais il nous fait un énorme bien à nous-mêmes: c'est un rendez-vous important avec notre imagination, notre capacité d'inventer, de raconter et de communiquer. Peut-être le seul qui nous soit encore demandé quotidiennement avec cette insistance. Bien sûr, c'est un exercice fatigant. Bien sûr qu'il est difficile d'inventer des histoires qui résistent aux critères de qualité exigeants de nos enfants. Je sais de quoi je parle. Mais qui d'autre nous demande d'être vraiment créatif, de nous laisser aller à l'imagination? Qui nous fait tant avancer dans notre capacité de communiquer? Aujourd'hui, on offre de multiples cours de communication aux cadres. Et quel est le résultat de ces efforts pédagogiques? Nous formons des milliers de gens à maîtriser des techniques qui reposent sur le bon fonctionnement d'ordinateurs liés à des projecteurs et réduisent le présentateur à un lecteur de fiches, parlant à son public dans la pénombre. Désolant. Je pense qu'un bon chef d'entreprise devrait exiger de ses cadres de rentrer assez tôt à la maison pour inventer et raconter une bonne histoire à leurs enfants. C'est moins cher qu'un séminaire et c'est plus efficace pour former des cadres vraiment capables de communiquer.
C'était le dernier rendez-vous avec Peter Rothenbühler, qui nous quitte pour occuper le poste de rédacteur en chef du «Matin». Nous prenons congé de lui en le remerciant au nom de ses lecteurs fervents. Dès la semaine prochaine, vous retrouverez dans ces colonnes le point de vue du journaliste alémanique Fredy Gsteiger.