Berne a refusé toutes les formules de compromis
Aujourd’hui, les porte-parole du Conseil fédéral estiment qu’en acceptant d’emblée de traiter de la reprise du droit communautaire, la Suisse a abattu trop tôt sa meilleure carte, privant ainsi les négociateurs de «munitions» dans la suite des pourparlers. Pour compenser les effets de cette concession majeure consentie trop tôt, le Conseil fédéral de 2021 n’a eu d’autre choix que d’exiger tout à coup que la Commission européenne adopte sans les retoucher les propositions suisses sur la libre circulation des travailleurs. Berne a refusé toutes les formules de compromis, estimant que celles-ci n’étaient pas à la hauteur de l’offre suisse initiale, préparant ainsi la rupture du 26 mai 2021. Une telle présentation des faits est une fable: c’est réécrire l’histoire (d’ailleurs les documents pertinents ont disparu du site du DFAE bien que le procès-verbal du Conseil national y renvoie).
Il était évident que si les responsables de la politique extérieure d’alors n’avaient pas voulu parler de l’application du droit communautaire aux accords bilatéraux, il n’y aurait pas eu de négociations et la Suisse aurait été exposée à des pressions de ses partenaires qui auraient restreint sa marge de manœuvre. La décision de 2012 était courageuse; ne pas la prendre aurait été désastreux. La dénigrer aujourd’hui rompt avec la continuité diplomatique: en fait le Conseil fédéral, ayant laissé pourrir la discussion dans le pays, a préféré changer de cap et abandonner la ligne qu’il suivait depuis 2018 pour des raisons de politique intérieure.
Faire l’addition sans l’aubergiste
Quand un cheval se cabre devant l’obstacle, le cavalier calme et cajole sa monture et la présente de nouveau. Il n’y a aucune raison de penser que l’UE va renoncer à ses demandes constantes depuis treize ans. Les propositions fusent dans le pays pour décrire les futures relations avec l’UE. Qui peut le plus peut le moins: relancer l’adhésion comme veut le faire le PS alors qu’il a été incapable de se rallier à l’accord institutionnel, moins exigeant, n’est pas crédible. Opposer les Etats membres et les «bons pays voisins» à la Commission, c’est une politique à la Boris Johnson qui ne mènera pas loin.
La Commission a toujours été l’interlocutrice de la Suisse. Elle a décidé d’attendre les réunions de la fin de l’année pour se prononcer sur les propositions que la Suisse formulera dans l’intervalle. Pour le moment, j’ai l’impression qu’on est en train de faire l’addition sans l’aubergiste. La création d’un mécanisme institutionnel restera au centre des relations structurées entre la Suisse et l’UE comme c’est le cas depuis le 8 décembre 2008. Même le conseiller fédéral Ignazio Cassis ne l’exclut pas, «quand la fumée se dissipera» et dans des conditions plus claires.
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