Algorithmes et colères
Y a-t-il une technologie de l’illibéralisme? A lire «Les Ingénieurs du chaos» de Giuliano da Empoli, on s’en convainc aisément
Tous les canaux de la démocratie, institutions, partis, médias, associations, sont aujourd’hui face au même défi: l’atomisation sociale. Les algorithmes de l’empire numérique nous ont fragmentés en individus tracés et traqués en fonction de nos rêves, de notre pouvoir d’achat et de nos colères. L’intelligence artificielle ne va pas arranger les choses, et le récent cri d’alarme d’une cohorte de ses inventeurs, affirmant qu’elle représente à terme un danger aussi redoutable pour l’humanité que les pandémies ou les guerres, devraient alerter ceux qui dormaient tranquilles en imaginant qu’il ne s’agirait que d’une aimable aide à la rédaction de dissertations scolaires.
Ce thème tout neuf attend encore son grand film, son grand roman – sans en rajouter sur l’effet dystopique que la réalité tend à rejoindre au galop. En revanche, pour ce qui est de la désarticulation sociale provoquée par les réseaux sociaux, qui enferment chacun dans sa bulle de convictions, on se bouscule au portillon. Parmi les essais qui renseignent sur la terrifiante efficacité de ces méthodes de ciblage individualisé par les propagandes et autres fake news destinées à neutraliser les cerveaux, on recommande Les Ingénieurs du chaos de Giuliano da Empoli, l’auteur du Mage du Kremlin.