Anti-woke, épisode finance
Planète finance
OPINION. A l'inverse des critères ESG, plusieurs sociétés ont créé des ETF voulant éliminer toute considération politique. Surtout si elle n’est pas conservatrice

En langage financier, être woke, du moins pour la droite dure américaine, c’est être adepte de l’investissement durable. Les critères ESG (pour environnement, social et gouvernance) ne sont pour elle que l’expression de croyances ou de points de vue politiques auxquels elle n’adhère pas. Difficile en effet de convaincre quelqu’un de prendre en compte les effets sur la planète d’une entreprise spécialisée dans l’extraction de charbon si ce quelqu’un ne croit pas au réchauffement climatique.
Alors que la finance durable est en plein boom depuis plusieurs années, d’autres cherchent ainsi à occuper le créneau inverse, celui de l’investissement anti-woke ou anti-ESG. Pas plus tard que cette semaine, un projet de fonds de placement vient d’être déposé à la SEC, le gendarme financier américain, qui répond au nom sans équivoque de God Bless America ETF. Il promet de rayer de ses placements les actions des entreprises qualifiées d'«activistes» parce qu’elles auraient l’audace d’exprimer un avis (comprendre ici de gauche ou démocrate) sans qu’il soit directement lié à leur activité.
«Politiquement responsable»
Autre nom, tout aussi connoté que celui de Point Bridge America First ETF: MAGA, qui choisit des entreprises qui soutiennent le arti républicain. Il se targue de faire de l’investissement «politiquement responsable». A ne pas confondre avec de l’investissement politiquement correct, évidemment. Plus tôt cette année, la société Strive Asset Management a inscrit deux ETF dans le but de lutter contre une forme de «wokeness politique» qui divise l’Amérique. Ces fonds sont donc dénués de considérations politiques (sauf si elles sont conservatrices, mais ça ne compte pas).
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Dans un monde où les calculs se font en centaines de millions, voire en milliards de dollars, ces véhicules peinent à décoller. Strive annonçait en mai avoir levé 20 millions, MAGA en aurait attiré 15, d’après Bloomberg. Pourtant, il n’est pas difficile d’imaginer que ce message doit plaire à une certaine frange des marchés financiers où l’argent ne manque pas.
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