Assurancetourix menace de se produire à l’école valaisanne
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AbonnéOPINION. Le parlement valaisan a adopté un postulat réclamant de supprimer le redoublement à l’école. Le signe puéril d’un refus de l’épreuve personnelle, considérée non plus comme naturelle, inévitable et éventuellement formatrice, mais nécessairement nuisible, selon notre chroniqueuse

Il est plutôt rare qu’il soit donné aux «progressistes» de Suisse romande l’occasion de jeter un œil envieux sur le Valais. Et ô miracle, ce fut le cas cette semaine. En effet, le Vieux-Pays a adopté de justesse un postulat réclamant de supprimer les redoublements à l’école. Postulat porté par quatre députés, de gauche comme de droite, un Vert, deux centristes et un PLR.
Un élève ne parvient pas à suivre? Ce n’est pas grave, il est promu d’office et continuera son cursus avec constance dans la difficulté mais sans déshonneur stigmatisant. Si le Conseil d’Etat approuve cette mesure, cette première suisse hisserait le Valais au rang de candidat sérieux au concours de l’égalité des chances et de l’inclusion sous toutes ses formes. A moins d’un coup de bâton de Christophe Darbellay, espoir solide même si on l’a vu dernièrement céder à la passion réformiste en soutenant l’orthographe rectifiée à l’école.
Si elle devait passer, cette mesure ne mettrait pas l’école davantage en péril qu’elle ne l’est déjà, pour toutes sortes de raisons dont elle n’est pas seule responsable. Mais elle repose sur une contradiction: une injonction d’ordre général – la réussite pour tous – ne s’applique pas uniformément aux situations individuelles, par définition dissemblables. Ainsi, cette mesure pourrait être favorable à l’un, inopérante pour un autre, injuste pour ceux qui rament et s’accrochent, confortable pour ceux que l’effort rebute. Mais laissons cela.
Différer l’adversité
Ce que cette proposition révèle surtout, c’est une dimension plus profonde: le refus de l’épreuve personnelle, considérée non plus comme naturelle, inévitable et éventuellement formatrice, mais nécessairement nuisible à l’édification d’un homme, d’une femme. Conséquemment, c’est à qui saura le mieux différer l’adversité et la compétition vis-à-vis des autres ou de soi-même, lesquelles arriveront fatalement. Pire: on tente de porter au compte du collectif des échecs qui ne sont jamais que personnels. Voilà bien le mensonge diffusé au nom de la bienveillance. Car l’attribution d’une défaite au système ne m’épargne pas l’intime conscience qu’elle est aussi, et surtout, la mienne.
La bulle de la réussite factice crèvera un jour ou l’autre. La cruauté de la vie, elle, sûrement pas. Le paradoxe de la condition humaine tient à ce que l’échec construit tout autant qu’il fragilise. Sommes-nous devenus puérils pour l’ignorer! On peut disputer des matchs de foot sans score, on peut mépriser la réussite basée sur d’odieux critères compétitifs, on peut supprimer le redoublement, les notes, les filières, adapter les barèmes aux plus faibles, courir chez le psy afin qu’il nous rassure en collant le diagnostic de «haut potentiel» sur le front du gamin à la peine, on peut inventer le paradis pour mieux nier l’enfer, permettre tout à tous, en moquant le «à chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres» du vieux Saint-Simon. On peut, et ça s’appelle une illusion.
Sinon, en Valais toujours, 37 moutons sont morts foudroyés dans un alpage. L’éleveur avait déjà perdu 12 bêtes à cause du loup. Sa déclaration au Nouvelliste? «Regarder vers l’avant.» La vie comme elle va.
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