Depuis deux ans les relations entre la Suisse et la Grande-Bretagne se sont intensifiées. Un dialogue politique a été institué, prévoyant des échanges semestriels au niveau des secrétaires d’Etat et auxquels les départements de l’économie sont directement associés. Depuis le 23 juin dernier, date de la décision des Britanniques de sortir de l’UE, ces rencontres ont gagné en importance.

Le Royaume-Uni réalise qu’il doit consolider son réseau bilatéral et prendre davantage en considération la position de ses partenaires autres que les membres de l’Union européenne. Pour la Suisse, c’est l’occasion de donner une dimension plus politique à une relation économique d’importance.

Londres, troisième partenaire commercial

En termes de volume, Londres est le troisième partenaire commercial de la Suisse, qui importe notamment des métaux précieux. La Suisse constitue le deuxième marché pour les services britanniques (principalement banque et assurance), après les Etats Unis.

Les investissements directs depuis la Suisse, qui continuent à croître, permettent la création et le maintien de 60 000 emplois en Grande-Bretagne, ce qui place la Suisse au cinquième rang dans ce secteur. Les placements provenant de Suisse se montent à 60 milliards de francs, équivalant à plus du double des fonds britanniques investis en Suisse.

A diverses reprises depuis une vingtaine d’années, ces atouts ont amené les responsables de la diplomatie à développer leurs contacts et à les instituer d’une manière ou d’une autre. Ainsi un accord a-t-il été conclu naguère pour une coopération des deux pays dans le domaine de l’aide humanitaire au Kosovo.

Portée restreinte des échanges de vue

Mais il faut bien admettre les limites de ces efforts. Les différences de perspectives entre la Suisse neutre, axée avant tout sur l’action des organisations internationales, et un pays doté de responsabilités majeures en matière de paix et sécurité internationale, membre permanent du Conseil de sécurité, de l’OTAN et de l’UE restreignent la portée des échanges de vue. C’est pourquoi les visites bilatérales à haut niveau demeurent rares.

Le Brexit favorise la relance de la coopération bilatérale. La Suisse a intérêt à s’informer au plus près des positions que la Grande-Bretagne compte adopter dans les négociations avec Bruxelles. De même, Londres a intérêt à suivre attentivement les aléas de nos relations avec l’UE, même si la Grande-Bretagne n’entend pas suivre le modèle suisse, comme vient de le réaffirmer Mme Theresa May, Premier Ministre. Nous comparons les notes prises et les impressions de chacun sur nos entretiens à Bruxelles et tentons d’en tirer un enseignement utile à l’expérience de l’autre.

La Suisse ne peut se permettre d’avoir un avis aussi tranché

Déjà au lendemain du veto que de Gaulle avait opposé à la candidature de Londres au Marché commun, des amis suisses d’Edward Heath, alors ministre du commerce, lui avaient conseillé de se rapprocher du Premier Ministre français de l’époque, Georges Pompidou. Celui-ci s’est avéré par la suite un acteur clé dans le processus d’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun.

On s’est beaucoup demandé en Suisse si le Brexit allait améliorer notre position, notamment face à l’Union européenne. La posture de rupture adoptée par le Premier Ministre britannique à l’orée des négociations avec Bruxelles incline à répondre par la négative; elle a exclu en particulier la poursuite de la libre circulation des personnes et le recours à la juridiction de la Cour de Justice de l’Union européenne, deux points sur lesquels la Suisse ne peut se permettre d’avoir un avis aussi tranché. Et comme le notait un chroniqueur, la Grande-Bretagne est une nouvelle fois à la recherche d’un rôle mondial tandis qu’elle se prépare à redéfinir sa relation à l’UE.

Mais tout au long de ce processus, et en raison de quelques points de convergence évidents, fondés sur le libéralisme et la pratique de la souveraineté, il est précieux pour la Suisse de pouvoir cultiver des rapports plus étroits et plus substantiels avec le Royaume-Uni.

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