Depuis une semaine, à quelques mètres de ces activistes pacifistes, le Théâtre du Châtelet accueille une nouvelle mise en scène des Justes. Ce texte d’Albert Camus évoque, dans la Russie de 1905, l’action d’une cellule des combattants socialistes révolutionnaires fomentant l’assassinat du grand-duc Serge Alexandrovitch, au nom du peuple et de sa liberté. Fraîchement accueillie lors sa création il y a septante ans, la pièce résonne en 2019 avec l’actualité. Elle parle de résistance, de l’usage de la violence et des questions morales qu’elle soulève. Ses personnages se demandent si la fin justifie les moyens, si le totalitarisme exige le terrorisme.
Spectacle musical et théâtral
Cette nouvelle version des Justes est signée Abd Al Malik. L’histoire évoque pour lui la fin d’un idéal. Afin d’asseoir sa contemporanéité, l’auteur et slameur a fait appel à des comédiens d’origines diverses. On y voit Sabrina Ouazani, d’origine algérienne, Frédéric Chau, le beau-fils chinois de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, ou encore Marc Zinga, un Belge né au Congo.
Abd Al Malik est allé plus loin: il a créé un chœur, dans la tradition du théâtre grec antique. Ils sont dix, des garçons et des filles de banlieue, et apparaissent à la fin de chaque acte non pour commenter l’action, mais pour parler de leur vision du monde. Ils parlent de leur grand-duc, d’un ennemi qui ressemble pour eux aux multinationales ou au terrorisme religieux. Avec son frère Bilal, Abd Al Malik a composé une bande-son jouée en direct et qui sous-tend l’entier du spectacle. Celui-ci, qui propose un dispositif scénique audacieux aménagé sur trois niveaux, telle une maison de poupée, s’avère dès lors aussi musical que théâtral. Les répliques sont comme scandées.
Reportage en coulisses: Abd Al Malik revisite Camus entre rap et tragédie pour parler à la France d’aujourd’hui
En fin de représentation, le soir où j’ai découvert cette mise en scène stimulante bien que parfois pesante, deux membres d’Extinction Rebellion ont été invités à monter sur scène. Je me suis alors dit que Camus aurait adoré voir son texte ainsi remixé et devenir si furieusement moderne.
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