J’ai longtemps eu de la peine avec Christine Angot. Non que je sois un grand lecteur de son œuvre fournie, mais l’écrivaine agitée devenue objet télévisuel corrosif avait tendance à me crisper, le samedi soir dans mon canapé. En particulier, et cette fois c’était un jeudi, après l’avoir vue insulter François Fillon comme on atomiserait une ambulance.

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Et puis il y a eu Grand Corps Malade, la semaine passée chez Ruquier. Et le fameux Plan B, titre de l’album du slameur et sujet de la dispute de la semaine chez nos trépidants voisins. Résumé en trois lignes, Christine Angot s’est mis tout le monde à dos en déclarant ceci: «Je pense que quand on est artiste, c’est toujours un plan B. C’est toujours ne pas avoir pu faire ce qu’on pensait faire quand on était petit, avocat par exemple ou instituteur. C’est toujours le résultat d’un échec de devenir artiste en fait.»

Tollé, torrent de tweets, insultes, c’est quoi cette folle, non mais, artiste c’est difficile, c’est tout sauf un plan B, pour qui tu te prends: au tour de l’asticoteuse d’être asticotée, avec la tendresse de la table basse sur laquelle vous vous écrasâtes un jour le petit orteil. Shitstorm en bonne et due forme pour Christine Angot.

Là, j’ai compris deux choses. La première, c’est que la pensée complexe est à la télévision comme un chat dans les phares d’une voiture. Rien à faire, ça bloque. Christine Angot voulait dire qu’être artiste est toujours une alternative à l’existant, que la pulsion artistique pousse hors du cadre, à côté de la norme, contre la règle, loin du plan A, vers un plan B. Mais elle l’a dit différemment. A sa manière. Hors du cadre et surtout pas au pied de la lettre. Comme une artiste. Mais à la télévision, les artistes sont tenus, eux aussi, à la servitude du sujet, du verbe et du complément.

Un «nouveau format» à elle toute seule

Second enseignement de ce quiproquo: à l’heure où les médias ne jurent plus que par les nouveaux formats, Christine Angot est un nouveau format à elle toute seule. Une mécanique à double détente. Dans l’instant, quand elle ouvre la bouche, les ressorts se tendent. Tous les ressorts. Les siens et les nôtres. On a peur, on est un peu gêné. En territoire inconnu, on guette l’accident. Qui finit par se produire, quand on ne s’y attend pas.

Puis, une fois la télévision éteinte, la mécanique Angot déploie son second mouvement. Ses questions étranges et ses drôles de phrases restent suspendues. Alors on les commente, on s’énerve. La possibilité de la réflexion reprenant ses droits, on finit par l’écouter. Pour réaliser, souvent, qu’elle avait peut-être raison. Christine Angot n’a rien à faire à la télévision, c’est pour cela qu’elle y est précieuse.


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