CHRONIQUE
CHRONIQUE. Les critères éthiques en entreprise ont gagné en importance. Mais le pilier «social», et la politique de licenciement en particulier, n’est souvent pas suffisamment pris en compte, regrette notre chroniqueuse

Les critères éthiques ESG, environnementaux, sociaux et de gouvernance, ne sont, contrairement aux idées reçues, pas nouveaux: ils sont apparus sous la forme actuelle dans les années 1970 aux Etats-Unis et 1980 en Europe. Au XVIIe siècle déjà, des mouvements quakers américains refusaient d’investir dans des entreprises dont les activités se fondaient sur la «souffrance humaine».
Ces critères incorporels constituent désormais un pourcentage croissant de la valeur des entreprises et sont devenus incontournables pour les investisseurs financiers. L’objectif de ces critères ESG est d’encourager les entreprises à se comporter de manière responsable. En conséquence, les investisseurs font généralement une analyse poussée pour s’assurer que les entreprises qu’ils financent mettent en pratique ces critères et ces normes.
Une question de responsabilité
Regardons de plus près les critères ESG regroupés sous le pilier «social» S, sans doute celui dont on parle le moins. Les critères sociaux analysent la façon dont une entreprise gère ses relations avec les employés, les fournisseurs et ses partenaires. Citons-en quelques-uns: diversité, impact sociétal, relations employeur-employé, conformité avec les législations en vigueur, santé et sécurité, droits humains, non-discrimination, formation.
Depuis une dizaine d’années il est principalement question d’engager davantage de femmes dans l’entreprise et les conseils d’administration, d’intégrer des handicapés et de favoriser la diversité. Mais sur le plan des relations employeur-employé, qu’en est-il de la politique d’embauche et de licenciement?
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Une prise en compte accrue de ce critère «social» S ne pourrait-elle pas contribuer à réfréner les entreprises de licencier sans égards leurs employés les plus fragiles ou les plus âgés, les moins susceptibles de retrouver un emploi? Ce pilier S ne devrait-il pas susciter une prise de conscience plus forte des entreprises dans le domaine du licenciement considéré parfois comme une malédiction ou une menace plutôt qu’une question de responsabilité? Pourra-t-on encore accepter à l’avenir qu’une entreprise licencie au seul prétexte d’améliorer ses actifs et ses états financiers?
Les rapports mensuels du Seco relatifs au marché de l’emploi avancent régulièrement des chiffres d’environ 3500 chômeurs en fin de droits, lesquels disparaissent inévitablement des chiffres officiels dès leurs droits épuisés. Ils ne figurent pas dans le rapport mensuel du Seco, ce qui refléterait pourtant l’entière réalité du marché de l’emploi. Songeons que cela représente quelques dizaines de milliers de personnes par année.
Prendre en compte le contexte social et politique de la région
Dans notre pratique quotidienne, il n’est pas rare d’apprendre le licenciement abrupt de professionnels investis dans leur travail. Bien souvent, ces personnes sont à l’avant-veille de leur retraite. L’entreprise peut-elle se défausser et laisser le sort de ces employés à la seule charge de l’assurance chômage, de l’Etat et de l’aide sociale, et en fin de compte, à être voués à l’oubli pour beaucoup d’entre eux, mis au ban de la société?
Nous regrettons aussi que certains de nos clients préfèrent engager des profils étrangers plutôt que des personnes établies en Suisse et en recherche active. Les entreprises vont-elles être plus responsables à l’avenir et traiter leur personnel avec plus de considération et ainsi prendre en compte le contexte social et politique de la région où elles sont implantées? Ce serait certainement une bonne façon pour elles d’être davantage «ESG compatibles», faute de quoi le soi-disant recours aux critères ESG ne serait qu’un outil marketing pour investisseurs.
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