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Déshomardiser le homard pour humaniser l’homme

L’interdiction d’ébouillanter les décapodes vivants en casserole a inspiré notre chroniqueur. Mais la destruction mécanique de leur cerveau, est-ce vraiment mieux?

Ne plus infliger au homard le supplice d’
              une mort lente, à l’eau bouillante
              .  — © PDPhotos/Pixabay.com
Ne plus infliger au homard le supplice d’ une mort lente, à l’eau bouillante .  — © PDPhotos/Pixabay.com

«L’histoire nous apprend que l’humanisation de l’homme est en route», avançait Jean Ziegler il y a peu. Je me rends bien compte qu’il est un chouïa périlleux de commencer par une citation de Jean Ziegler, et même par une citation tout court. Mais je n’y peux rien, je suis obligé. Parce qu’il avait raison, j’en suis convaincu: la ligne de flottaison de la civilisation s’élève avec le temps. Reformulé: l’humanité ne stagne pas, elle progresse. Elle s’améliore, par accumulation de conscience, comme un enfant qui apprend.

C’est pour cela qu’au XXIe siècle, à la lumière de ce que nous avons appris tous ensemble, nous sommes à peu près d’accord sur l’idée que l’esclavage n’est pas la meilleure méthode de management, que le génocide est un peu surfait ou que le lancer de nains a vraisemblablement vécu. C’est aussi pour cela que nous empoignons cette année, nouvelles règles à l’appui, la question brûlante de la mise à mort du homard.

Noble détermination…

Parce que nous sommes meilleurs qu’hier, nous ne voulons plus infliger au décapode le supplice d’une mort lente, à l’eau bouillante. Noble détermination, soit dit sans une once d’ironie, juste résolution collective. Nous avons donc légiféré, parce que c’est comme ça que ça marche. Dès le 1er mars prochain, vous le savez si vous lisez Olivier Perrin sur LeTemps.ch, les homards devront être assommés avant d’être mis à mort. Paf.

Problème: «paf», c’est un peu flou, pour le législateur. Le législateur, et c’est bien normal, doit être très précis. Pour éviter les dérapages, de type «demi-paf» ou, pire, «pouf». La lettre «i» de l’alinéa 1 du nouvel article 179a de l’ordonnance sur la protection des animaux est donc limpide: «l’électricité» ou la «destruction mécanique du cerveau» sont les deux procédés d’étourdissement admis. Punkt Schluss.

Fini le congélateur aussi

Sincèrement résolus à faire le bien, nous avons ainsi pris l’engagement ferme, collectif, démocratique et souverain de ne plus manger un seul homard avant d’avoir mécaniquement détruit son cerveau. Ou de l’avoir fait exploser à la gégène, pour ceux qui seraient équipés. Fini le congélateur, pour endormir la bête. Finie la culpabilité passagère, au son du homard qui se débat mais tant pis, qu’est-ce que c’est bon. A partir du 1er mars, les crustacivores, même occasionnels, sont priés de tuer avec distance, méthode et application. Merci de réveiller le tortionnaire qui sommeille en vous avant de passer à table.

Vous aimiez la bonne humeur et les orgies de crustacés? Vous préférerez la destruction mécanique du cerveau, vous verrez. Faites confiance au législateur, puisqu’on vous dit que c’est pour votre bien et celui du homard. Moi, ça m’est égal, je suis allergique.

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