Des Conventions dépassées
Les conceptions qui ont inspiré les Conventions de La Haye de 1907 sont dépassées, notait déjà en 1985 M. Jean Monnier, jurisconsulte du DFAE – même si celles-ci demeurent la base conventionnelle du droit de la neutralité. La perception de la neutralité en Europe s’est également modifiée: il n’est pas sûr que les Etats du continent souscriraient aujourd’hui à la notion que la neutralité est «dans l’intérêt de l’Europe tout entière» selon les termes repris par la Déclaration de Londres de 1920. Alors que la guerre était une institution reconnue en droit, elle a été mise hors la loi par la Charte des Nations unies et par le droit international coutumier.
La politique de neutralité appliquée en temps de paix est-elle encore valable en temps de guerre? Les pays industrialisés qui se sont rangés derrière l’Ukraine dans la défense des principes et des valeurs que nous partageons privilégient le devoir de solidarité active à celui de maintenir une politique de neutralité faite en grande partie d’abstention et de prévention. On l’a vu l’an dernier dans l’imposition des sanctions de l’UE qu’il a bien fallu suivre, on le voit aujourd’hui dans la question de la réexportation des munitions et autres instruments de guerre vers l’Ukraine. A quoi sert une neutralité bousculée par nos voisins et décriée par la Fédération de Russie?
Les reproches de Cassis à ses diplomates
Dans d’autres dossiers, la Suisse s’est placée en position défensive: les pourparlers avec l’UE en vue d’un nouvel accord, qui ne sont pas près d’aboutir; la faiblesse de la position suisse à l’égard de l’Iran. Le parlement en a délibéré hier. Comme l’a dit le conseiller national Fabian Molina, l’affaire du malheureux tchador porté par l’ambassadrice de Suisse à Qoms n’aurait pas eu un tel impact si le Conseil fédéral avait adopté une ligne plus ferme face aux violations des droits humains commis par le régime des mollahs. La Suisse est en manque d’initiatives et de propositions. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis en est conscient puisqu’il en a fait assez durement le reproche à ses diplomates. Le problème n’est cependant pas dans l’exécution mais dans la conception d’une politique plus dynamique et plus conforme à la situation et aux intérêts du pays.
Il faut tirer les leçons des bouleversements que subit l’ordre mondial du fait de la guerre russe contre l’Ukraine. Quelle est la place de la Suisse dans ce monde devenu plus dangereux? (Le président de la Confédération, Alain Berset, prononce ce soir un discours sur ce sujet à Genève). A New York la semaine dernière, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a vanté les vertus du multilatéralisme: il traverse pourtant une crise profonde. Il ne s’agit pas de faire de l’activisme pour se mettre en avant mais de donner à notre politique extérieure un élan et un tonus qui donnent confiance à la population et contribuent positivement au déroulement de la vie internationale. A New York, M. Cassis a lancé à la cantonade l’idée d’une conférence des Etats parties aux Conventions de Genève. La Suisse est parfaitement légitimée à proposer de la réunir sans attendre le 75e anniversaire des Conventions de 1949. La réaffirmation du droit de la guerre, les nouvelles technologies des armements, la protection des civils sur le plan universel sont hélas des thèmes actuels. Une telle conférence exige un intense travail de préparation. C’est un projet d’envergure propre à redonner des couleurs à la diplomatie suisse.
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