Entre «gens ordinaires» et «héritiers», la fausse égalité version covid
OPINION. A quoi ressemblera, en France, l’après-pandémie? Les fractures d’avant le séisme sanitaire resteront-elles inchangées? Deux livres ont le mérite de nous alerter. L’un en plongeant aux côtés des «gens ordinaires». L’autre en nous racontant le «crépuscule des héritiers»
Le géographe et le sociologue: pour comprendre la France, cette combinaison fonctionne à tous les coups. Les historiens sont évidemment indispensables. Mais le quotidien du pays, lui, est rythmé par d’autres variables que celles du passé. L’attachement au territoire forge les esprits. L’étiolement du tissu industriel et la persistance des dynasties économiques façonnent le lien social. Lire côte à côte Le Temps des gens ordinaires (Flammarion) de Christophe Guilluy, auteur en 2014 de La France périphérique, et Le Crépuscule des héritiers. Dans les coulisses de nos grandes entreprises (Nouveau Monde) permet de comparer ces deux réalités hexagonales à l’épreuve du Covid-19: d’un côté, «les déplorables devenus des héros» selon Guilluy. De l’autre, «un pouvoir transmis de manière héréditaire, en somme monarchique», selon Denys Brunel, expert pour les questions de santé au travail.
Commençons par ceux qui détiennent ce pouvoir. Car cette République «assoiffée d’égalité», dixit Alexis de Tocqueville, est celle de la naissance. «La France est bien, comme on l’entend souvent, un pays d’héritiers», argumente Denys Brunel, qui y voit un trait saillant de ce pays de luttes sociales. «L’héritage y est profondément ancré dans les mentalités et son poids sur de nombreux secteurs de la vie publique se fait durement ressentir», poursuit l’auteur. Et d’ajouter: «Une transmission strictement héréditaire reste envers et contre tout prédominante dans les grandes entreprises françaises.»