Pour en finir avec les OGM et les choux de Bruxelles
Révolution de palais
Non sans quelque douce ironie, notre chroniqueur Fathi Derder, conseiller national (PLR/VD) revient sur onze ans de paralysie parlementaire en matière d’organismes génétiquement modifiés en Suisse

Le parlement est génétiquement paralysé. Depuis onze ans, on fait du surplace en matière d’OGM. Le peuple a voté une interdiction de cinq ans en 2005. Un moratoire que Berne transforme, l’air de rien, en interdiction définitive. On a d’abord voulu se donner du temps, pour comprendre. On a mis nos meilleurs chercheurs sur le coup, pour 12 millions de francs. On leur a demandé si cultiver des OGM était dangereux. Après cinq ans de travaux, leur réponse fut: «Non.» On a ajouté: «D’accord, mais on prolonge le moratoire quand même, il faut qu’on réfléchisse.» Or, en quatre ans, on n’en a jamais parlé. Pas une fois. On n’a pas eu le temps de réfléchir.
En commission, jeudi, on s’est dit que, puisqu’on ne fait rien depuis onze ans, autant continuer. On va prolonger l’interdiction (sans le dire). Pour réfléchir à ce que nous ne ferons pas. Car de toute manière, les scientifiques sont vendus, corrompus, et incompétents comme l’a affirmé jeudi une collègue à des chercheurs interloqués. Et puis, il y a l’argument suprême, et définitif, qui justifie notre paralysie génétique: «Le consommateur ne veut pas d’OGM.»
Un nouveau concept fédéral: le moratoire perpétuel
Ce fut la phrase la plus prononcée en séance. Et comment sait-on que le consommateur n’en veut pas? Un sondage le prouve: les Suisses sont à 66% contre les OGM. En 2015, un institut connu pour ses erreurs de prévisions électorales a en effet demandé à quelques centaines de citoyens, entre le rôti et le TJ, s’ils voulaient d’un produit qu’ils ne connaissent pas. Et auquel ils ne comprennent rien. Et sur la base du résultat, on légifère. Mieux: on ne légifère pas. On interdit sans interdire. C’est un nouveau concept fédéral: le moratoire perpétuel. Du provisoire permanent.
Il est si bon de taper sur Bruxelles
La commission de la science n’écoute pas ses scientifiques, elle les traite d’incompétents corrompus, puis obéit religieusement à un sondage. Le procédé est intéressant. Un collègue a suggéré qu’on l’étende: interdisons tous les produits dont les Suisses ne veulent pas, sur la base de sondages. 90% de consommateurs n’achètent pas de produits «bio»? Interdit, le bio. 30% de Suisses aiment les kiwis? Interdits, les kiwis. Trop minoritaires. Sans parler des choux de Bruxelles, et leurs misérables 12%. C’est un bon plan, ça. Les OGM ne sont qu’un début: on fera de l’ordre dans votre assiette, à grands coups de sondages. Pour les choux de Bruxelles, au moins, on sait de quoi on parle. Et taper sur Bruxelles, c’est tendance. On va bien s’amuser. A défaut de travailler.
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