Avec l’ouverture de la billetterie olympique, son système de tirage au sort assez compliqué dans la pure veine administrative française et ses prix qui font polémique (690 euros la place pour des éliminatoires en athlétisme), l’arrivée des JO à Paris dans un an et demi est devenue une réalité beaucoup plus concrète pour un grand nombre de Français, tout particulièrement ceux qui habitent dans la capitale et sa banlieue. Ils doivent faire leur choix entre le BMX et le rugby fauteuil, des amis commencent à leur demander s’ils ont des solutions d’hébergement, du coup ils se demandent si ce n’est pas l’occasion de se faire une petite fortune en sous-louant leur appartement.

Les habitants des quartiers concernés, tout particulièrement à Saint-Denis, épicentre de ces Jeux 2024, voient bien sûr fleurir les grues des chantiers depuis de longs mois. Et la communication à grand renfort d’affiches, de logos et d’étranges mascottes a elle aussi commencé depuis longtemps. Mais on se posait rarement la question de ce qu’on ferait précisément ces jours-là, de comment on avait prévu de vivre cet événement qui doit être absolument hors norme (la cérémonie d’ouverture sur la Seine à elle seule doit changer à jamais la manière que l’on a de voir une célébration de masse, avec ses 600 000 spectateurs et son décor de Ville Lumière inégalable).

Ces perspectives réjouissantes vont cependant de pair avec des craintes qui, elles aussi, deviennent plus concrètes. Avec la journée de grève généralisée et reconductible dans les transports français qui s’annonce pour le 7 mars, ce fameux mardi noir lors duquel tous les syndicats appellent à «bloquer la France» pour lancer une deuxième partie beaucoup plus dure de la mobilisation contre la réforme des retraites, il est difficile de ne pas penser à ce qu’un mouvement de blocage donnerait pendant les JO.

Même des appels beaucoup plus limités, comme ceux qui ont paralysé les TGV à Noël, pourraient fortement perturber le déroulement de cet événement, en tout cas pour les millions de spectateurs qui feront de Paris le centre du monde pour trois semaines. Pour rappel, 10 millions de billets seront mis en vente pour les Jeux olympiques et 3 millions pour les Jeux paralympiques, ce qui en fait le plus grand événement payant jamais organisé en France alors que Paris est déjà la ville la plus visitée du monde en temps normal

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Pouvoir de mobilisation

Pour éviter de trop penser à ce scénario catastrophe, on comptera sur le sens des responsabilités des Français quand il s’agit de ménager l’image de leur pays à l’étranger (et aussi sur un peu de finesse politique de la part d’Emmanuel Macron pour éviter d’enflammer le pays à ce moment-là).

On pourra aussi compter sur le fait que les vacances d’été mettent habituellement le pays dans un état d’assoupissement social et politique exceptionnel en juillet et en août.

Reste l’avancement des travaux, dont on ne sait pas trop où il en est, et les bâtons que les différentes strates de politiques se mettent dans les roues (le gouvernement, la mairie de Paris, certaines mairies d’arrondissement et certains élus de banlieue se détestent assez pour ne pas toujours penser au bien commun en premier). De ce côté, on comptera sur la force de mobilisation du pouvoir central en France quand il s’agit de concentrer toutes les forces du pays sur un énorme projet. On se rappelle par exemple des succès de la COP21 et de l’Euro 2016 juste après une vague d’attentats qui avait fait craindre le pire.

Pas de panique donc: la France sait habituellement s’élever à la hauteur des très grands événements et Paris pourrait bien retrouver pendant ces quelques semaines d’été la grandeur qui en a longtemps fait un phare du monde. Réjouissons-nous, nous sommes à quelques mois d’un rendez-vous extraordinaire, organisé à nos portes et dont on se souviendra longtemps…

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