Il y a vingt ans, le G8 se réunissait à Evian-les-Bains, du 1er au 3 juin 2003, à l’invitation du président Jacques Chirac. Le Conseil fédéral avait accueilli la veille à Lausanne une douzaine de chefs d’Etats non membres du Groupe, invités à rejoindre les participants du sommet de l’autre côté du lac. C’était le premier G8 pour Lula, le président du Brésil, qui vient de revenir de celui d’Hiroshima. Le sommet d’Evian est aussi le seul auquel un président de la Confédération ait jamais pris part, en l’occurrence M. Pascal Couchepin. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité de l’ONU et le G20 sont frappés de dysfonctionnement en raison de la présence en leur sein de la Russie et de la Chine. Par contre, le G7 (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Canada, Etats-Unis, Japon – la Russie a été expulsée en 2014 au lendemain de l’annexion de la Crimée) a donné, lors de sa réunion du week-end dernier au Japon, l’image de la forte unité des pays démocratiques et industrialisés les plus avancés contre l’agression russe en Ukraine. La guerre d’Ukraine a rendu toute sa vigueur au G7. Il coordonne les sanctions contre la Russie et se présente comme le comité de gestion des affaires mondiales le plus performant.

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Symbole de cette unité, le président Volodymyr Zelensky de l’Ukraine en guerre, invité surprise de la réunion d’Hiroshima, a su magistralement saisir l’opportunité qui s’offrait à lui. Ses discours ont été marquants. Il a rencontré en tête à tête les collègues auxquels il n’avait pas encore rendu visite: le président des Etats-Unis, Joe Biden, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, l’hôte japonais le premier ministre Fumio Kishida. Cependant, il s’est adressé avant tout aux représentants des pays du Sud, que le Japon a associés aux délibérations du Groupe le 20 mai dernier, soit notamment l’Indonésie, l’Inde et le Brésil, ces deux derniers formant par ailleurs un autre groupement avec la Chine, la Russie et l’Afrique du Sud, les BRICS. Le président Jokowi d’Indonésie et le premier ministre indien, Narendra Modi, ont fait montre d’une grande cordialité à l’égard du visiteur ukrainien, à la différence de Lula, qui ne s’est pas entretenu avec lui.

Attitude nuancée face à la Chine

Depuis le déclenchement des hostilités, la position de ce groupe de pays fait problème aux Occidentaux. Aucun n’applique les sanctions contre la Russie. Certains condamnent certes la violation du droit international et de la Charte des Nations unies, d’autres s’abstiennent lors des votes de l’Assemblée générale. Ils s’efforcent de maintenir une forme d’équidistance entre les belligérants. Leur attitude est dictée à la fois par la crainte d’être instrumentalisés par l’Ouest et les anciennes puissances coloniales, et par l’intérêt qu’ils ont à préserver des relations politiques et économiques avec la Fédération de Russie. L’Inde achète du pétrole russe (et le revend); Pretoria a livré des armes à la Russie. Quant au Brésil, il se veut neutre et fait siennes les théories de Moscou sur l’origine de la guerre, estimant que Kiev aurait sa part de responsabilité dans la situation. Zelensky le sait bien, qui a reçu le mois dernier le conseiller diplomatique de Lula, l’ancien ministre des Affaires étrangères Celso Amorim. Lula voudrait également revêtir le manteau de médiateur.

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Face à la Chine, le G7 a adopté une attitude nuancée. S’opposant fermement à la militarisation et aux empiètements chinois dans les mers de Chine, il condamne la coercition économique exercée par Beijing contre plusieurs pays pour des raisons politiques. Le Groupe réaffirme les règles de base de la communauté internationale. Les membres du G7 renoncent à «découpler» leurs économies de celle de la Chine, se contentant de minimiser les risques et de réduire leur dépendance aux produits chinois. Ils proclament leur volonté de faire de l’Indo-Pacifique un espace «libre et ouvert», se prononcent contre l’usage de la force pour acquérir des territoires mais n’ont pas particulièrement durci le ton au sujet de Taïwan. Le président Biden a d’ailleurs laissé entendre que le dialogue politique entre les Etats-Unis et la Chine pourrait bientôt reprendre. Ce serait l’un des résultats les plus positifs émanant de la réunion d’Hiroshima.


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